Les grecs ont-ils crus à leurs mythes ? by Paul Veyne

Les grecs ont-ils crus à leurs mythes ? by Paul Veyne

Auteur:Paul Veyne [Veyne, Paul]
La langue: eng
Format: epub
Publié: 2012-02-08T02:40:09+00:00


Pausanias n’arrivant pas à échapper à son programme

Mais Pausanias, lui, croit-il aux mythes cultuels qu’il rapporte à chaque page ? Vers la fin de son ouvrage, on s’en souvient, il nous révèle que, jusqu’à ce moment, il avait considéré comme des naïvetés maintes légendes que les Grecs lui avaient racontées sur les dieux ; il les avait pourtant relatées, en les critiquant parfois, comme nous savons, ou en ne les critiquant pas, et ce second cas était de loin le plus fréquent. Acceptait-il tout ce qu’il ne critiquait pas et était-il une âme croyante, ou bien était-ce un esprit voltairien qui démolissait quelques mythes pour les ébranler tous ? Nous allons reprendre l’étude de la « question Pausanias », car elle a l’intérêt d’être compliquée et elle montre en même temps l’étroitesse du programme dans lequel se débattaient les esprits les plus sincères. Car, dans la dernière partie de son ouvrage, Pausanias se débat.

Dans l’intérêt de la clarté, mieux vaut commencer par un résumé de nos conclusions. Pausanias a un rationalisme, mais qui n’est pas le nôtre ; par ailleurs, il est tantôt historien, qui relate ce qui réellement a été, tantôt philologue, dont la tâche est de relater ce qui se dit. Loin d’être voltairienne, sa critique des mythes prouve qu’il se faisait une idée élevée des dieux ; aussi condamnait-il en lui-même, par piété, la très grande majorité des légendes qu’il relatait. Seulement, plus philologue qu’historien, il les relate souvent sans les juger ; mieux encore, il entre dans le jeu et se place dans l’optique mythographique, à la manière de nos historiens de la philosophie qui voient et jugent toutes choses du point de vue du penseur qu’ils étudient, y compris les détails plus ou moins cohérents de la doctrine de ce penseur même. Quant à l’histoire légendaire, aux généalogies, il les rapporte fidèlement, mais il n’en croit que les grandes lignes ; ce qu’il retient dans son crible, est tout à fait comparable à ce que Thucydide retenait dans son Archéologie ; les inventions généalogiques et aitiologiques, qui ne trompent que ceux qui avaient envie de s’enchanter, le scandalisent d’ailleurs moins que les absurdités sur les dieux. Telle est son attitude jusqu’à la fin du livre VII. Elle subsiste dans les trois derniers livres, après qu’il eut trouvé en Arcadie un chemin de Damas, mais il se demande désormais s’il n’y a pas parfois une vérité allégorique ou même littérale dans des légendes qui l’ont d’abord scandalisé. Rien de tout cela ne surprendra nos lecteurs, mais, comme Pausanias est un auteur réservé et qu’il a un humour léger, ce n’est pas toujours aisé à démêler. Pausanias a de la personnalité (bien plus que n’en a un Strabon, par exemple).

Deux ou trois fois, la plume lui est tombée des mains[175] ; « laissons le mythe de côté », écrit-il alors, et, se refusant à raconter la fable de Méduse, il en donne deux versions rationnelles, entre lesquelles il ne sait choisir : Méduse fut une reine tuée



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