Les Flots sans Rivage by C.J. Cherryh

Auteur:C.J. Cherryh [Cherryh, C.J.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans/Science-Fiction
ISBN: 2-7201-0187-7
Éditeur: Nouvelles éditions OPTA
Publié: 1982-12-31T16:00:00+00:00

Il finit, se leva et se peigna face au grand miroir… et marqua une pause, se rappelant la broche invisible qui était son absurdité personnelle, son seul ornement. Il trouva la présence de Waden intimidante à cet égard, et un instant il joua avec la pensée de ne pas se livrer à cette plaisanterie ce jour-ci.

Non. Dans ces conditions il le fallait, sinon Waden l’intimiderait réellement.

Il chercha les vêtements qu’il avait laissé tomber la veille, décrocha la broche et se redressa, sourit à Waden et la fixa à son col.

— Je suis prêt à partir, si tu veux. Keye viendra-t-elle ?

— Elle attend dehors.

— Voilà qui est remarquable. Elle s’y est toujours refusée. Il est possible qu’il s’agisse d’un goût pour ce qui est fini et non pour l’inachevé.

— Est-ce une suggestion sérieuse ?

— Ah, je parlais d’art.

Waden eut un sourire aigre.

— Une telle désapprobation ne te ressemble pas. Hésiterais-tu ?

— Quoi ? Pour t’offenser ? Jamais de la vie. Tu t’en nourris. Mais nous avons tous deux terminé, maintenant, alors qu’auparavant tu avais réalisé quelque chose et moi rien. Quelque chose se dresse désormais là-bas.

— Pas pour attirer l’attention de Keye.

Herrin éclata de rire.

— Sûrement pas. L’attention de Keye est tournée vers elle-même, comme toujours. (Il ouvrit la porte et s’arrêta parce qu’il y avait là des Étrangers. Des Étrangers en uniforme bleu.)

— Quelque chose ne va pas ? demanda Waden.

L’espace d’un battement de cœur, il hésita, découvrant son jeu et trouvant qu’il était un peu tôt pour se livrer à ce genre de manœuvre. Des invisibles. Il portait une broche. Waden Jenks avait des gens formant sa suite. Il s’écarta pour laisser sortir Waden et referma la porte. Keye était là, assise dans un fauteuil un peu plus loin dans le couloir, en train de lire, en une attitude nonchalante, les jambes croisées.

— Keye, dit-il ; et elle haussa les yeux, ferma son livre et le fourra dans sa poche, puis se leva en manifestant tous les signes d’appréhension de cette journée.

— Bonjour, dit-elle.

— Bonjour.

Il considéra Waden. Son escorte l’accompagnait toujours. Il sourit en oubliant tout cela, et tous trois et leurs compagnons invisibles descendirent les quelques volées de marches jusqu’au rez-de-chaussée pour sortir dans un soleil agréable.

— La lumière est un avantage.

— J’imagine, fit Waden.

Ils traversèrent la rue du Port et l’escorte leur emboîta le pas. Remarque-les, le défiait Waden ; Herrin prit longuement son souffle et avança à grands pas au milieu de Waden et Keye, mais au fin fond de lui-même il était bel et bien troublé, irrité que Waden eût trouvé un moyen de le mettre en colère, manière qu’il n’attendait pas de voir utilisée pour diminuer l’importance de ce jour. Waden était Waden et cela était impossible à oublier. Ce fragment gênant de sa propre réalité existait pour le contrarier… et que Waden se donnât tant de peine pour le contrarier… était en soi amusant.

L’escorte les suivit à travers l’arche dans la haie et sur la Grand-Rue elle-même ; il l’entendait, les pas crissant sur le gravier et claquant sur les pavés.

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