Les deux morts de Charity Quinn by Katerina Autet

Auteur:Katerina Autet [Katerina Autet]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2022-07-07T12:43:32+00:00

Delia attendait déjà, assise à la réception à l’ombre d’un ficus rabougri. Elle portait le même jean et le même pull-serpillière que la veille, mais cette fois, elle avait remplacé la parka par une espèce de veste sherpa, beaucoup trop grande pour elle. L’écharpe, faisant plusieurs fois le tour de son cou, lui donnait un air souffreteux, encore aggravé par la pâleur de son visage. Alors que nous montions vers la salle d’interrogatoire, je lui demandai des nouvelles de sa mère.

— Toujours pareil.

— M. Reed est-il arrivé ?

Malgré mon insistance de la veille, malgré les photos du visage ravagé de Charity Quinn qui s’étaient retrouvées en première page d’un tabloïd, Donaldson avait refusé de mettre en place une surveillance policière. Sauf à monter la garde à l’hôpital moi-même, je n’avais aucun moyen de savoir ce qui s’y passait.

— Non, pas encore. Dans une heure, je crois. Dorothy est passée, Sam aussi. J’ai dormi sur place.

— Et Laurel ?

Delia eut un rire sans joie.

— Ma sœur est montée à l’étage où se trouve maman, mais elle n’a jamais pu se forcer à entrer dans la pièce. Du coup, elle m’a téléphoné, et j’ai mis mon téléphone contre l’oreille de maman. Laurel lui a dit qu’elle l’aimait.

— Comment votre mère a-t-elle réagi ?

— Elle n’a pas réagi. Pourtant, les médecins persistent à dire que son cerveau est intact. Ils se trompent peut-être.

J’ouvris la porte de la petite salle d’interrogatoire, une pièce exiguë et sans fenêtre. Il y régnait toujours une odeur désagréable que la femme de ménage avait tenté, sans succès, d’éradiquer à l’aide d’un parfum d’ambiance vanille.

— Je suis désolé, toutes les autres salles sont prises, je n’ai pas mieux à vous proposer.

— Pas de problème.

Delia jeta sa sacoche et sa veste sherpa par terre, et s’installa sur la chaise que je lui avais indiquée. Dans ce décor gris institutionnel, elle semblait terriblement jeune et vulnérable. Les mains posées à plat sur la table, elle étudiait son environnement avec intérêt, cherchant à se faire un avis. C’était peine perdue : les salles d’interrogatoire étaient aménagées de sorte à ne pas avoir une quelconque caractéristique, et ce n’était pas uniquement une question de budget. La table, les chaises, la moquette au sol : tout était gris et de moyenne gamme. Ainsi, le cerveau de la personne interrogée n’avait rien à quoi se raccrocher. L’environnement importait peu, car c’était un duel. Delia contre la police.

J’allumai le système d’enregistrement, citai mon nom, la date et l’heure.

— Delia, je voudrais tout d’abord préciser pour la caméra que vous êtes ici de votre plein gré et libre de partir à tout moment. Avez-vous des questions pour moi, avant qu’on commence ?

— Oui, pourquoi vous êtes seul ? Je croyais que les policiers venaient toujours par deux, comme Starsky et Hutch, ou Rizzoli et Isles, ou…

— Tango et Cash, ajouta Helena en rentrant dans la salle d’interrogatoire. Désolée pour le retard, j’étais coincée dans un bouchon. Ravie de vous rencontrer, Delia.

Était-ce le sourire d’Helena, ou le fait

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