Les côtes barbares by Alain Cabantous

Les côtes barbares by Alain Cabantous

Auteur:Alain Cabantous [Cabantous, Alain]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782213647319
Éditeur: Fayard
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


PRÊTRES, PAROISSIENS ET PILLEURS

Le prêtre en sa paroisse

Peut-être davantage encore qu'en milieu urbain, tout contribue à ce que le curé rural reste un personnage sinon à part, du moins particulier au sein de la société campagnarde. La fonction sacerdotale y contribue la première. La séparation du profane et du sacré, de plus en plus affirmée à partir du XVIIe siècle, tend à retrancher partiellement le ministre de Dieu de la communauté. Ses vêtements, ses moeurs, sa connaissance moins superficielle des Écritures, son pouvoir liturgique réaffirmé, sous-tendent fortement cette distinction et donnent au curé un inconstestable ascendant sur ses paroissiens. Médecin des âmes, c'est grâce à lui, seule personne ordonnée avec son vicaire, que la voie du salut s'offre aux chrétiens ordinaires. Dispensateur des sacrements indispensables (baptême, eucharistie, extrême-onction...), confesseur des fautifs, proclamateur – et pédagogue? – de la Parole, il est devenu, dans la stratégie tridentine de reconquête, le point focal du vécu religieux paroissial. Homme du sacré, il continue d'être aussi celui qui, par sa familiarité des « saints mystères », protège la communauté, ses animaux, ses récoltes contre le mauvais sort, celui aussi qui attire les bienfaits du Ciel sur le village. Progressivement, surtout au cours du XVIIIe siècle, la haute idée de cette charge spirituelle lui imposera une conduite sociale que la hiérarchie ecclésiastique – mais pas seulement elle – voudra exemplaire. Et toutes les études montrent une diminution sensible des prêtres fornicateurs, concubinaires, ivrognes ou batailleurs.

Cette position confortée par une certaine culture, une facilité dans l'expression écrite et orale ne manquait pas d'avoir des prolongements hors de la sphère sacrée. L'administration monarchique utilisa le prêtre comme un rouage essentiel de contrôle et d'information. Au service du monarque, de sa justice, de ses finances voire de son armée, c'est le curé qui est chargé de transmettre avis administratifs, nouvelles générales ou monitoires, pour lesquels il perçoit une légère gratification. Il tient encore les registres de catholicité tout comme il rédige les pièces justificatives et délivre les billets de bonnes vie et moeurs. Ses préoccupations à la fois spirituelles, charitables et réglementaires le conduisent aussi à désigner la sage-femme ou le maître d'école du village. Mais l'étendue de ces fonctions et de leurs pouvoirs n'est pas sans risques ou sans inconvénients vis-à-vis des gens de la paroisse avec qui les relations peuvent aussi emprunter les chemins de la brutalité ou de l'opposition. Nécessaire, souvent omniprésent le curé peut alors être ressenti comme un intrus. De par ses origines sociales et géographiques, il est, surtout au XVIIIe siècle, celui qui vient de la ville même si dans certains diocèses de pilleurs – Boulogne, Quimper, Vannes –, la proportion de prêtres d'extraction rurale s'équilibre avec celle des curés citadins 431. En outre, sa propension à tout régenter, à interdire les danses, le cabaret, le jeu de boules, à dénoncer les amours juvéniles, à proposer, voire à imposer son arbitrage dans les conflits familiaux pouvait lui valoir de solides inimitiés. En contrepartie, certains n'hésitaient pas à prendre la défense de leurs



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