Les balles du 14 juillet 1953 by Daniel KUPFERSTEIN

Les balles du 14 juillet 1953 by Daniel KUPFERSTEIN

Auteur:Daniel KUPFERSTEIN
La langue: fra
Format: mobi
Éditeur: La Découverte
Publié: 2017-04-26T22:00:00+00:00


… en particulier en Algérie

En Algérie, en 1953, ce n’est pas encore la guerre, même si le peuple et les militants nationalistes restent très marqués par la sanglante répression de mai-juin 1945 dans le Nord-Constantinois. « La répression militaire, précise l’historien Jacques Simon, sera longue et massive, à la mesure de la peur et de la haine des Européens contre les musulmans considérés comme une population étrangère et barbare10. »

Huit ans plus tard, le peuple algérien souffre encore. L’égalité entre les populations n’existe toujours pas et le fossé entre colons et colonisés s’est élargi. En 1945, sur 1 250 000 enfants d’âge scolaire chez les Algériens musulmans, seulement un peu plus de 100 000 reçoivent l’instruction primaire dans 699 écoles ; chez les « Européensc », 200 000 enfants se rendent dans 1 400 écoles – entre 1945 et 1954, la proportion d’enfants scolarisés chez les musulmans passe de 11,5 % à 18 %. Un enfant algérien sur dix va en classe (un garçon sur cinq et une fillette sur seize), mais, dans les campagnes, la proportion n’est que d’un sur cinquante… En 1954, le revenu annuel de l’agriculteur algérien musulman est évalué à 22 000 francs, contre 780 000 francs pour un agriculteur européen. Autre exemple, Oran compte alors 119 000 musulmans et 173 000 Européens : 282 musulmans seulement y sont scolarisés dans l’enseignement secondaire, pour 5 836 Européens. Écoles, hôpitaux, logements profitent d’abord à ces derniers11. Alors qu’un Européen sur 227 était étudiant, un musulman sur 15 341 avait cette chance12. Dans les campagnes, la situation est encore plus terrible. La misère et la faim s’accentuent. Pourtant, en dehors du petit maquis de résistance animé par Krim Belkacem en Kabylie, la révolte n’a pas encore éclaté au grand jour.

La plupart des immigrés algériens ayant participé à la manifestation du 14 juillet 1953 et que j’ai pu retrouver m’ont décrit ces situations dramatiques. Chérif Darkrim, qui a frôlé la mort – une balle est entrée près de son œil droit avant de ressortir par son oreille –, m’a ainsi raconté en 2012 : « À ce moment-là en Algérie, on travaillait quatorze heures par jour pour 500 francs. Et celui qui a cinq ou dix gosses, il ne voyait pas sa famille, car il devait travailler du dimanche au dimanche. Départ de chez lui à 4 heures du matin, il ne rentrait qu’à 8 heures le soir. C’était la misère. […] À l’époque, on n’avait pas les moyens de discuter. Nous habitions dans les villages autour de Port Saïd, et dans la ville il y avait surtout des Européens. Quand il y avait des fêtes, les Arabes n’avaient pas le droit d’entrer, surtout le soir. […] Les Français, ou plutôt les pieds-noirs, avaient peur d’être volés. Ils nous autorisaient à entrer dans la journée pour travailler et après on devait partir13. »

« Ici on n’avait rien, m’a confirmé en Algérie en 2012 Souali Boukhari, qui était présent à la Mosquée de Paris le 21 juillet 1953, alors jeune militant du MTLD.



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