L'envers du monde : Henry Corbin et la mystique islamique (French Edition) by Tom Cheethan

L'envers du monde : Henry Corbin et la mystique islamique (French Edition) by Tom Cheethan

Auteur:Tom Cheethan [Cheethan, Tom]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Entrelacs
Publié: 2016-07-05T22:00:00+00:00


L’histoire d’une civilisation repose sur l’interprétation de cette Intelligence active. Pour comprendre ceci, nous devons considérer brièvement la conception de la connaissance qui était celle d’Aristote. Pour Aristote, « l’âme est, en un sens, tous les êtres4 », au moins potentiellement, car c’est seulement ainsi que l’âme peut les connaître. Ainsi il peut dire : « dans le cas des réalités immatérielles, il y a identité entre le sujet pensant et l’objet pensé, car la science théorique et son objet sont identiques5 ». Quand l’esprit, ou le nous, exerce son pouvoir de connaissance, il se meut de la potentialité en acte (energeia), et à travers cette energeia, il devient la forme intelligible de ce qui est connu. Dans un court mais puissant passage du de Anima, Aristote distingue deux facultés de l’âme, dont l’une est passive et l’autre active. Quand le nous est activé, il doit l’être par quelque chose d’autre ; le mouvement de la potentialité à l’acte demande toujours un acteur – quelque chose doit déjà être actif. Et ainsi il doit y avoir deux facultés dans l’âme : l’une passive (le nous pathetikos), et l’autre active (le nous poietikos). L’intellect passif est périssable. L’intellect actif, comme la lumière « fait passer les couleurs de l’état de puissance à l’acte6 » et est la pure energeia éternelle. Pour Aristote, ce nous éternel n’a rien en lui d’individuel. C’est une sorte d’Intellect cosmique dont nous participons, mais qui brille également pour tout le monde. Et pour Aristote notre connaissance du monde sensible vient de ce monde lui-même, comme il nous paraît évident aujourd’hui. Les formes intelligibles du monde sensible sont dérivées par extraction, ou, pourrions-nous dire, « abstraction » à partir du monde de la matière. Le nous fournit peut-être les formes de la pensée juste mais le monde sensible en fournit le contenu.

Un contraste puissant à ces conceptions nous est donné dans les « angélologies » néoplatoniciennes d’Avicenne et de Sohrawardî, qui assurent au contraire « l’autonomie radicale de l’individu7 ». La différence cruciale réside dans la nature et la fonction de ce nous poietikos. Pour Averroès, comme pour Aristote, nous faisons partie en quelque sorte de cet esprit universel et éternel, mais ceci n’a rien à voir avec notre unicité particulière, accidentelle. Cette doctrine de l’Intelligence active fut adoptée, sous différentes formes, par les néoplatoniciens. Comme nous l’avons vu plus tôt, dans leurs schémas émanationnistes, il y a une hiérarchie d’Intelligences intermédiaires descendant de Dieu, en tant que Moteur immobile, et finissant avec l’Intelligence active, ou agente. Toute connaissance résulte de l’illumination d’en haut et non d’une abstraction à partir d’en bas. Et dans les angélologies mystiques d’Avicenne et de Sohrawardî, cette Intelligence active, qui est simplement conçue en théorisant de façon abstraite, se rencontre en réalité dans l’Événement « à la limite du Cosmos », comme une Personne céleste personnifiée et individualisée, qui est à chaque fois unique. Chaque personne humaine a sa contrepartie dans les Cieux, qui est l’individualité éternelle et accomplie de cette âme



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.