L'Empereur de toutes les maladies by Siddhartha Mukherjee

L'Empereur de toutes les maladies by Siddhartha Mukherjee

Auteur:Siddhartha Mukherjee
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2013-03-19T16:00:00+00:00


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À la fin des années 1960 à Berkeley, un bactériologiste nommé Bruce Ames qui travaillait sur une question sans rapport tomba sur un test pour évaluer des carcinogènes chimiques701. Ames étudiait les mutations chez les salmonelles, un genre bactérien. Les salmonelles, comme toutes les bactéries, possèdent des gènes qui leur permettent de croître dans certaines conditions. Elles ont par exemple un gène pour « digérer » le galactose qui est essentiel lorsque celui-ci est la seule source de sucre.

Ames observait sur ses boîtes de culture que les mutations dans ces gènes essentiels pouvaient rendre les bactéries capables de croître ou non. Une souche de salmonelle normalement incapable de pousser sur du galactose, par exemple, pouvait acquérir une mutation génétique lui permettant de le faire. Une fois cette mutation réalisée, une seule bactérie pouvait alors former une minuscule colonie sur une boîte de Petri. En comptant le nombre de colonies ayant pu pousser, Ames pouvait quantifier le taux de mutation dans chaque expérience. Les bactéries exposées à une certaine substance pouvaient produire six colonies tandis qu’un autre produit en induisait la formation de soixante. Ce dernier produit avait donc un pouvoir dix fois plus élevé de changer des gènes, ou d’induire des mutations. Ames pouvait maintenant tester des milliers de produits pour créer un catalogue de substances chimiques augmentant le taux de mutation, c’est-à-dire de mutagènes. Et, en constituant ce catalogue, il fit une observation historique : les produits qui apparaissaient mutagènes dans son test avaient aussi tendance à être des carcinogènes. Des dérivés de colorant, connus pour être de puissants carcinogènes chez l’homme, firent un tabac, induisant l’apparition de centaines de colonies bactériennes. Il en fut de même pour les rayons X, les composés du benzène et les dérivés de nitrosoguanidine, tous connus pour induire des cancers chez le rat et la souris702. Le test d’Ames transformait l’inobservable et l’inquantifiable en quelque chose de mesurable et de quantifiable. Les rayons X invisibles qui avaient tué les filles du Radium dans les années 1920 pouvaient maintenant apparaître sous la forme de colonies sur les boîtes de Petri.

Le test d’Ames était loin d’être parfait. Tous les carcinogènes n’étaient pas détectés, et ni le DES ni l’amiante saupoudrés sur les salmonelles ne pouvaient faire apparaître de mutants703. En revanche, des constituants chimiques de la fumée de tabac causaient des mutations chez la bactérie, comme l’avaient déjà noté plusieurs fabricants de cigarette qui s’étaient alors empressés de cacher ces résultats. Mais, malgré ses lacunes, le test d’Ames fournit un lien important entre une approche purement descriptive de la prévention du cancer et ses mécanismes. Les carcinogènes, suggérait Ames, avaient une propriété fonctionnelle commune qui les distinguait, ils altéraient les gènes. Ames ne pouvait aller plus loin pour expliquer ce qui se cachait derrière cette observation, pourquoi la capacité de causer des mutations était liée à celle d’induire le cancer, mais il avait démontré que les carcinogènes pouvaient être détectés expérimentalement, non rétrospectivement en répertoriant les cas et les témoins chez l’homme, mais prospectivement en



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