Le voilier tragique by Omer Refreger

Auteur:Omer Refreger
La langue: eng
Format: mobi
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

IV - Intéressante conversation entre Tom Dunstan et Jimmy Loy. — Fred Celleneuve trouve de l'alcool

La pipe ébréchée fichée au coin du bec, le regard vague et mouillé, le nouveau capitaine du Jane-Rosine méditait dans sa cabine, devant un flacon de whisky fortement entamé.

Une nouvelle nuit s’était apesantie sur la mer. Une nuit noire, sans lune ni étoiles. Une nuit à rencontrer sur son chemin, le vaisseau fantôme aux agrès chargés d’algues, à la squelettique figure de proue. Une nuit lourde que le petit voilier fendait du mieux qu’il pouvait. Une nuit silencieuse.

Mais Tom Dunstan n’avait pas été pour rien surnommé le Taureau de Baltimore. Ce sobriquet expressif ne désignait certainement pas un poète. Et Tom Dunstan ne pensait ni à la nuit ni aux fantômes, auxquels d’ailleurs, il faut lui rendre cette justice, il ne croyait pas.

Tom Dunstan ne pensait à rien. Il buvait et fumait. Entre deux bouffées de son odorante pipe, il avalait une copieuse rasade de whisky.

Tom Dunstan ne pensait à rien... Ce n’était pas tout à fait exact. Il ruminait les derniers événements qui s’étaient déroulés à bord du navire et plus il les examinait, moins ils lui plaisaient.

A ce moment, sans qu’on frappe à la porte, celle-ci s’ouvrit, livrant passage à Jimmy Loy.

— Salut, cap’taine, dit-il, en faisant rouler sa chique d’une joue à l’autre.

— Eh bien ? s’étonna l’autre, d’une voix pâteuse. En voilà des procédés.

Que venez-vous faire ici ? Qu’avez-vous à vous introduire dans ma cabine sans y avoir été invité ? C’est pour le moins une attitude surprenante.

— Vous n’avez pas fini d’être surpris, goguenarda le matelot.

H prit une chaise, l’approcha de la table, s’assit, s’empara du flacon de whisky et but à même le goulot.

Vacillant, Tom Dunstan quitta son siège et arracha la bouteille des mains de Loy. Elle leur échappa à tous deux et se brisa sur le parquet poussiéreux.

« Voilà, c’est gagné, constata le marin. Hé, cap’taine, ne vous énervez pas. Je viens vous proposer une affaire.

Le Taureau de Baltimore alla à un coffre, en tira une autre bouteille qu’il plaça sur la table.

— Quel genre d’affaire ? demanda-t-il.

— Eh bien, voilà... hum... Tout d’abord, savez-vous qui je suis ?

Tom Dunstan le regarda longuement de ses yeux noyés d’ivresse.

— Sans doute une de ces crapules que ce chenapan de Charlie Manning a fait monter à bord, hoqueta-t-il.

Jimmy Loy rit doucement.

— Que de voyous dans une seule phrase, ironisa-t-il. Non, cap’taine… Je suis bien une crapule, on peut le dire ici, il n’y a pas de témoin, mais je n’ai pas été « changayé »... Je suis monté à bord selon les ordres de mon patron, le cap’taine Spender, pour donner un coup de main à la manœuvre...

— Ah oui, je vois. Et alors ?

— Et alors, voilà... Le capitaine Spender aurait été désireux de se charger de la cargaison du Jane-Rosine... Le Rose-Noire n’a pas fait beaucoup d’affaires, ces temps-ci, et les fonds sont en baisse. Une jolie cargaison comme celle que vous transportez aurait été la bienvenue, si vous comprenez ce que je veux dire.

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