LE VENT DE LINE (French Edition) by Stéphane ARNIER

Auteur:Stéphane ARNIER [ARNIER, Stéphane]
La langue: fra
Format: epub
Tags: fantasy
Éditeur: Bookelis
Publié: 2015-12-19T23:00:00+00:00

— Rassemblez-vous ! Tenez la position !

— Hein ? Non ! Non ! Continuez à descendre !

Mais c’était comme si la réponse de Bertta s’était perdue dans les vents : seules les directives de Line semblaient atteindre les oreilles des jeunes présents sur la passerelle intermédiaire. Celle-ci était ridiculement étroite, simple étage médian entre la Ceinture Liane et celle d’Akras. Bertta se retrouva privée de sa liberté de mouvement, au coude à coude avec plusieurs adolescents, incapable de rallier son fils qui n’était pourtant qu’à quelques pas. Elle croisa son regard, empli de défi, et comprit qu’il était comme tous les autres : lui non plus ne la suivrait pas à bas du tronc. Les yeux dans les siens, il dégaina un couteau et hurla.

— À vos postes !

Tous les jeunes rabattirent un bras devant leurs visages, et poignardèrent sauvagement les nombreux sacs de jute qu’ils avaient montés jusqu’ici, les éventrant sur toute leur longueur. Bertta se plaqua une main sur le nez, alors que l’odeur de l’ortie lui piquait l’intérieur des narines. Bientôt, on se crut en plein brouillard. Bertta sentit la bourrasque prendre vie. Tous les Alkayas y mirent du leur, additionnant leurs flux à celui de Line : ils ventaient ensemble le long de la Basse Tige, et une tempête de poudre fusa de leur position. La coulure noire qui descendait vers eux rencontra la bouffée blanche et y réagit de façon brutale : les cendrés se rétractèrent comme si la gigantesque masse n’était qu’un seul et même organisme se brûlant à la flamme d’une bougie... mais la tourmente était plus rapide qu’eux, et elle les engloutit.

Perdant de sa consistance, le nuage continua néanmoins de s’élever jusqu’à la canopée. Quand il se dissipa, l’essaim n’avait pas disparu : il s’était disloqué. C’était comme si la poudre avait sectionné les liens entre les pucerons : ils semblaient désorientés et affolés. La plupart fuyaient frénétiquement le plus haut possible, d’autres tournaient en rond sur l’écorce. Certains tombaient même de l’Arbre. Leurs pertes étaient ridicules, et l’ortie était rarement mortelle, mais elle perturbait gravement leurs sens. Bertta était impressionnée par l’ingéniosité de l’idée et la puissance du vent de Line. Les Alkayas venaient de gagner un nouveau sursis salvateur : ils avaient encore le temps d’évacuer.

— Bravo les jeunes ! Retraite vers la Ceinture d’Akras, maintenant !

Sa tirade la fit tousser. Elle n’eut droit qu’à des regards de mépris et quelques dénis de tête. Une autre voix résonna alors.

— À la Ceinture Liane !

Changement d’attitude : dans un cri de guerre, les gamins se hissèrent de nouveau vers les branches via les passerelles, les longes et les monte-vents. Ils n’avaient rien compris à la leçon qu’ils venaient de recevoir : les cendrés étaient innombrables et imbattables. Certes, les insectes avaient été repoussés, au prix d’une bonne moitié des sacs de jute, mais ils étaient toujours là. Les dernières particules se dissiperaient. Ils reviendraient.

Or, les mioches s’obstinaient.

Les imbéciles.

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