Le Veilleur by James Preston Girard

Auteur:James Preston Girard
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782072474101-60292
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2013-08-15T00:00:00+00:00

La voiture de Banks n’était pas là, mais cela n’avait pas d’importance. C’était au gérant qu’il voulait parler aujourd’hui.

Joe Puckett se révéla être un vieil homme, voûté et ridé, qui parlait dans un murmure, de l’emphysème pulmonaire sans doute, pensa Loomis. La main qui entrebâilla la porte tenait une cigarette allumée.

« Que se passe-t-il ? demanda-t-il lorsque Loomis lui montra son badge.

— Je voudrais simplement bavarder avec vous au sujet de l’un de vos locataires, Kirby Banks.

— Il a des problèmes ? » Cette éventualité n’avait pas l’air de le surprendre.

« Pas exactement. Je lui ai parlé il y a quinze jours et je voudrais juste vérifier certaines choses. Simple question de routine.

— Routine », reprit le vieil homme en hochant la tête comme si c’était la conclusion d’une blague connue, pas très drôle. Mais il ouvrit en grand la porte et, tournant le dos à Loomis, lui laissa l’initiative de le suivre. Malgré le climatiseur, réglé au maximum, placé sur l’une des fenêtres donnant sur l’arrière-cour, il faisait étouffant dans le salon imprégné de l’odeur de tabac froid. Il était encombré d’un mobilier dont les fanfreluches et le conformisme relatif semblaient évoquer la présence ancienne d’une femme, bien que les couleurs passées et l’usure manifeste à certains endroits, laissaient supposer que cette femme, quelle qu’elle ait été, avait disparu depuis aussi longtemps que les innombrables cigarettes dont subsistaient également les fantômes.

Puckett s’enfonça pesamment dans un fauteuil légèrement bancal, juste au-dessous du climatiseur, et lâcha une canne de marche que Loomis n’avait pas remarquée auparavant, et qui tomba contre le guéridon voisin, demeurant ainsi à portée de sa main. Sous la lampe étaient posées deux ou trois revues — au nombre desquelles Le pêcheur de bar américain.

Loomis s’assit sur le canapé, de biais par rapport à Puckett, et se pencha légèrement en avant, les coudes posés sur ses genoux.

« Que pensez-vous de Kirby ? » demanda-t-il.

Puckett haussa les épaules, sans regarder franchement Loomis. Il paraissait mal à l’aise, peu habitué à la compagnie.

« J’en pense rien, dit-il. Il paie son loyer, ne fait pas beaucoup de bruit.

— Vous n’avez jamais eu d’ennuis avec lui ?

— Non.

— Il m’a dit que vous refusiez qu’il entrepose sa bicyclette dans le garage.

— Oui, c’est juste. Mais ça n’a pas posé de problème. »

Loomis hocha la tête. En fait, cette contradiction correspondait à l’impression que lui faisait Banks, celle d’un homme qui refusait les conflits, répondant par le sourire à une rebuffade, et ressassant ensuite ses griefs entre ses quatre murs, et qui n’exprimait sa colère que d’une manière indirecte, en parlant à quelqu’un comme Loomis lui-même.

« Est-ce que je peux vous demander pourquoi vous ne voulez pas de la bicyclette ici ? »

Le vieil homme cracha une bouffée de fumée en toussant, et dit : « Ça ne dépend pas de moi. » Il battit des paupières, les yeux larmoyants. « C’est le type qui habite au deuxième qui loue le garage.

— Vous n’y garez pas votre voiture ?

— J’en ai pas. »

Voilà qui était plus intéressant car cela pouvait signifier que Banks mentait.

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