Le Typhon du Tiers monde by Richard Sapir & Warren Murphy

Auteur:Richard Sapir & Warren Murphy [Sapir, Richard & Murphy, Warren]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Plon
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE X

Joan Hacker avait peur. Elle se traînait vers le stade de football comme un gosse qu’on a envoyé se coucher.

Elle estimait que ce n’était pas de sa faute. Honnêtement, Rodney était le seul type vraiment maigre qu’elle connaisse. Elle ne pouvait tout de même pas deviner qu’il reviendrait avec une histoire aussi ridicule. Elle avait fait tout son possible. D’ailleurs l’Allemand, lui, s’était comporté comme prévu. Tout le monde ne parlait que de ce pauvre Henry Pfeiffer attaqué par un étrange animal, qui lui avait arraché les doigts avant de lui fracturer le crâne. Toute la ville était au courant, or elle n’en avait soufflé mot à personne. Elle avait suivi les instructions à la lettre. On ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir fait de son mieux.

Joan Hacker s’arrêta devant l’imposante structure en béton habituellement si bruyante les samedis après-midi en période de match. Le silence qui régnait aujourd’hui rendait impressionnant cet endroit pourtant familier.

Tout ce qu’on lui avait demandé, elle l’avait exécuté, et voilà qu’à cause de cette lavette de Rodney Pintwhistle elle ne pourrait probablement plus participer activement à la Révolution. C’était franchement déprimant, et dire que ce n’était même pas de sa faute. Elle sortit une petite boîte en métal de la poche de son imperméable, l’ouvrit, en retira une pincée de poudre blanche qu’elle déposa dans sa paume droite. Elle prisa à fond. Une sensation de brûlure lui indiqua qu’elle avait inspiré un des cristaux de cocaïne avec la poudre. Ses yeux se mouillèrent. La douleur se dissipa peu à peu pour être remplacée par une nouvelle ardeur, un nouveau courage. Elle franchit résolument l’entrée principale et traversa l’arcade déserte vers le terrain. Il ne fallait pas se laisser abattre.

Joan pénétra dans la lumière du stade. Ses pas crissèrent sur la piste. Elle le repéra sur sa gauche. Ce n’est vraiment pas l’endroit idéal pour une réunion révolutionnaire, pensa-t-elle. La forêt près du canal, c’était beaucoup mieux, ou même une voiture au fond d’une impasse. Tout, mais pas ici. S’il pouvait commettre des erreurs aussi flagrantes, il ne pouvait pas lui en vouloir pour Rodney. D’ailleurs elle ne le trouvait guère aimable pour un homme du Tiers monde. Il s’était même emporté lorsqu’elle lui avait demandé s’il était vietnamien.

— Salut, euh, j’ai des nouvelles… pas très bonnes, hasarda Joan lorsqu’elle eut rejoint l’individu.

Il était légèrement plus petit qu’elle, au type asiatique et aux yeux noisette. Il portait un costume d’homme d’affaires foncé, une chemise blanche et une cravate noire. Il avait tout du petit revendeur de machines à calculer japonais, sauf qu’elle éviterait de dire qu’il était japonais parce que, ça aussi, l’avais rendu fou furieux. L’homme lui fit un signe de la tête.

— J’ai bien essayé, mais si ça a loupé, j’y suis pour rien.

Le visage de son interlocuteur demeura impassible.

— Honnêtement, c’est pas ma faute, j’ai trouvé un maigre comme vous me l’aviez demandé. Le gros, lui, a très bien marché, il s’est attaqué aux deux réactionnaires à l’endroit même

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