Le tri sélectif des ordures et autres cons by Sébastien Gendron

Auteur:Sébastien Gendron [Gendron, Sébastien]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782266242769
Google: HeHBAgAAQBAJ
Éditeur: Pocket
Publié: 2014-02-05T23:00:00+00:00

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La philosophie dans l’habitable

Le retour se fait sous une pluie battante et, quitte à cumuler, je passe en boucle et en alternance tout ce que ma discothèque portative contient de Tristana : Lambchop, Jeff Buckley, Leonard Cohen, Scott Walker, Tindersticks, Marianne Faithfull, Mark Hollis, Beth Gibbons, j’en passe et des fontaines.

L’atteinte sur mon moral est directe, l’impact précis comme une tumeur.

Je saigne du nez par intermittence et m’arrête plusieurs fois sur la route pour vomir, pleurer, me vider d’une manière ou d’une autre. Du côté de Montpellier, il me vient l’idée de remonter vers le nord et proposer la botte à James. Poser l’ardoise sur la table et dire que je me suis gouré, ouais, à quarante balais on se plante encore, parfois même bien, avec les genoux qui pissent et des dents cassées. Ça serait pas une première dans mon CV.

Et puis j’aurais le cran d’accepter le minable de la situation.

C’est toujours mieux que de chercher des justifications.

Depuis le début, je cherche des justifications. Pourquoi je suis devenu garde du corps, puis tueur, puis détective, puis discounter de contrats ? Comme s’il fallait justifier un emploi d’éboueur pour se sentir à même de l’exercer. Je suis le produit d’une époque où les problèmes ne s’écartent plus, ne se gèrent plus, ne se négocient plus, ne se temporisent plus mais s’éradiquent de manière définitive.

Quelque chose vous gêne ? « Pomme Q » et c’est réglé.

Ça devient tellement facile, d’une telle évidence, que des types comme moi soient obligés de proposer des solutions discount pour pas que le marché leur échappe. Faire disparaître quelqu’un ou un problème est devenu aussi simple qu’acceptable et trouver la recette pour en vivre devient aussi talentueux que de penser une campagne de pub pour vendre de l’air.

Accepter sa situation, celle qu’on s’est créée quand il était encore possible de devenir écrivain, policier, professeur d’anglais, manœuvre ou ingénieur des ponts et chaussées, relève d’une sorte de sagesse propre à l’espèce humaine, mais que l’espèce humaine cesse de reconnaître quand cette situation devient intenable. Oui, on glisse dans la criminalité parce qu’à un moment donné, la fracture dans laquelle on vit ne semble pas avoir d’autre horizon. Je suis d’accord avec ça, même si ça n’a jamais été mon cas et que j’ai toujours agi par goût. Mais perdre est une question de méthode, comme disait Gamboa en citant Sepúlveda. S’accorder trop de récréation du mauvais côté revient à baisser les bras. La criminalité n’est pas une solution de facilité, loin s’en faut. L’ultralibéralisme qui règne sur le monde des basses œuvres n’est rien de moins qu’un nid de guêpes dans les alvéoles duquel se jouent des drames bien au-delà du shakespearien, n’aide personne à vivre ou à mourir, mais laisse ses sujets désemparés et désorientés et prêts à tout pour survivre.

C’est un tort de spécialiste et d’expert que d’imaginer qu’une structure très précise, une sorte de corpus social, gouverne la criminalité. Il n’y a que le chaos et il n’y aura jamais que cela. Un chaos

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