Le royaume de Bérénice by Alexandre Torquet

Le royaume de Bérénice by Alexandre Torquet

Auteur:Alexandre Torquet [Torquet, Alexandre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
ISBN: 9782226310217
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2014-09-10T22:00:00+00:00


28

Les petits chevaux de montagne, si résistants, peinent en escaladant le sentier qui serpente sur la paroi nord du mont Erba. Des nuages livides, cuivrés, s’amoncellent au-dessus de la vallée et les bergers ont annoncé au vizir qu’un bel orage est proche. Mais il n’est pas question de reculer : Hervé entend interroger ce Yousouf au plus tôt.

Après leur avoir indiqué le chemin, le fils aîné de Pélagia a filé : il craint, dit-il, d’être fasciné par le Mahdi s’il le rencontre de nouveau. Éphrem l’Officier, si complaisant et disposé jusque-là à accompagner le vizir dans ses expéditions, a été réticent à le suivre : il ne redoute, affirme-t-il, ni les hommes ni les bêtes, mais tremble de devoir affronter Satan, escorté de ses incubes et de ses succubes qui rôdent dans le monde pour perdre les âmes des justes.

Comme toujours, Hervé s’est demandé s’il était sérieux ou s’il plaisantait : sans doute il ne plaisantait pas, car il a fallu l’ordre formel de la souveraine, chef de l’Église koushite, pour contraindre le moine à l’obéissance.

La montagne leur cache le plateau où est construite la ville. Le paysage est désolé, le terrain aride. Derrière Hervé, Éphrem grogne, renâcle et ronchonne. Il faut réagir : en quelques paroles bien senties, le vizir explique au moine que, si c’est une plaisanterie, elle a assez duré ; il lui demande de cesser ses enfantillages et lui signifie sa détermination à aller jusqu’au bout de la mission qu’il s’est fixée : rencontrer Yousouf, ce prétendu Mahdi, et connaître enfin, s’il en est, les raisons de cette tentative de meurtre. Éphrem, moine et guerrier, doit à ses supérieurs et à la reine une obéissance aveugle. Il n’a qu’à exécuter, se taire et ignorer sa peur, quel que soit l’ennemi dressé devant lui.

Le moine se laisse gronder comme un enfant, se contentant de hocher la tête en prenant une expression coupable et Hervé se sent réconforté à la fois par cette algarade et par cette soumission.

Le ciel est noir de menaces, mais l’orage ne s’est pas déclenché lorsqu’ils parviennent à un plateau désolé. Le sommet de la montagne n’est plus très éloigné. Le terrain est parsemé de rochers, vestiges des éboulements fréquents. Là-bas, c’est l’entrée d’une grotte masquée de broussailles. Ils s’avancent vers cette caverne, béante comme la gueule de l’enfer. C’est alors que des cailloux commencent à voler autour d’eux, lancés par des hommes qui se cachent derrière les rochers et poussent des hurlements. Le cheval d’Éphrem est atteint, il se cabre et hennit. Le vizir sort sa carabine des fontes de sa monture.

— Entends-tu les démons de l’enfer ? demande le moine. Mettons-nous d’abord à l’abri, il faut savoir à qui nous avons affaire.

Bien dressés, les chevaux se couchent derrière un bloc de pierre. Les cailloux et les insultes continuent à voler. Les pierres sont jetées avec une telle force que certaines éclatent en heurtant la roche.

— Veux-tu charger les carabines, seigneur vizir ? Moi, pendant ce temps, je vais parlementer.

Il se dresse et,



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