Le postier V2 by Charles Bukowski

Le postier V2 by Charles Bukowski

Auteur:Charles Bukowski [Bukowski, Charles]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782246314325
Éditeur: Grasset
Publié: 1977-01-18T05:00:00+00:00


3

Ensuite on m’a convoqué au bureau du personnel tout là-bas au Federal Building. Comme d’habitude, ils m’ont fait poireauter 45 minutes ou une heure et demie.

Et puis. « M. Chinaski ? » a fait cette voix.

« Oui ? »

« Entrez. »

L’homme m’a conduit devant un bureau.

Là il y avait cette femme. Elle avait l’air un peu sexy, elle arrivait sur la quarantaine mais on aurait dit que ses ambitions sexuelles avaient été mises de côté au profit d’autre chose, ou simplement ignorées.

« Asseyez-vous, M. Chinaski. »

Je me suis assis.

Baby, je me disais, je pourrais te donner une de ces troussées.

« M. Chinaski », elle a fait, « nous nous sommes demandé si vous aviez bien rempli cette demande d’emploi correctement. »

« Hein ? »

« Je veux dire, le casier judiciaire. »

Elle m’a tendu la feuille. Il n’y avait rien de sexuel dans ses yeux.

J’avais mis 8 ou 10 arrestations pour état d’ivresse. C’était seulement une approximation. J’avais aucune idée des dates.

« Maintenant, avez-vous tout déclaré ? » elle m’a demandé.

« Hmmmmm, hmmmmm, laissez-moi réfléchir… »

Je savais ce qu’elle voulait. Elle voulait que je dise « oui », et alors là elle m’avait.

« Voyons voir… Hmmmm, hmmmmmm. »

« Oui ? » elle a fait.

« Oh oh ! Mon Dieu ! »

« Qu’est-ce que c’est ? »

« C’est ou bien état d’ivresse dans une voiture ou conduite en état d’ivresse. Y’a environ 4 ans de ça. Je sais plus la date exacte. »

« Et ça vous est sorti de l’esprit ? »

« Oui, complètement, je voulais le mettre. »

« C’est bon. Mettez-le. »

Je l’ai inscrit.

« M. Chinaski. C’est un terrible casier. Je veux que vous vous expliquiez sur ces accusations et si possible que vous nous donniez une justification à votre présent emploi chez nous. »

« Bon. »

« Vous avez dix jours pour répondre. »

Je tenais pas tant que ça au job. Mais elle m’horripilait.

Ce soir-là je me suis fait porter pâle après avoir acheté du papier à lignes numéroté et une chemise de carton bleu à l’air très officiel. Je me suis aussi pris une bouteille de bourbon et six canettes, et puis je me suis assis et j’ai commencé à taper. J’avais le dictionnaire près de mon coude. De temps à autre je tournais une page, cherchais un mot incompréhensible et long et je construisais une phrase ou un paragraphe autour de cette idée. Ça faisait 42 pages. Je terminais par, « Des copies de ces déclarations ont été conservées pour distribution à la presse, la télévision et autres massmedia. »

Je déconnais complètement.

Elle s’est levée de son bureau et est venue me chercher personnellement. « M. Chinaski ? »

« Oui ? »

Il était 9 h du matin. Le jour d’après qu’elle m’ait demandé de répondre aux accusations. « Une petite minute. »

Elle est retournée à son bureau avec les 42 pages. Elle a lu et lu et lu. Il y avait quelqu’un qui lisait par-dessus son épaule. Puis il y en a eu 2, 3, 4, 5. Tous à lire. 6, 7, 8, 9.



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