Le portrait de Dorian Gray by Oscar Wilde

Le portrait de Dorian Gray by Oscar Wilde

Auteur:Oscar Wilde
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: lepeupledemu.fr
Publié: 2013-07-30T04:00:00+00:00


Chapitre 10

Quand le domestique entra, il l’observa attentivement, se demandant si cet homme avait eu la curiosité de regarder derrière le paravent. Le valet était parfaitement impassible et attendait ses ordres. Dorian alluma une cigarette et marcha vers la glace dans laquelle il regarda. Il y pouvait voir parfaitement la face de Victor qui s’y reflétait. C’était un masque placide de servilisme. Il n’y avait rien à craindre de ce côté. Cependant, il pensa qu’il était bon de se tenir sur ses gardes.

Il lui dit, d’un ton très bas, de demander à la gouvernante de venir lui parler et d’aller ensuite chez l’encadreur le prier de lui envoyer immédiatement deux de ses hommes. Il lui sembla, lorsque le valet sortit, que ses yeux se dirigeaient vers le paravent. Ou peut-être était-ce un simple effet de son imagination ?

Quelques instants après Mme Leaf, vêtue de sa robe de soie noire, ses mains ridées couvertes de mitaines à l’ancienne mode, entrait dans la bibliothèque. Il lui demanda la clef de la salle d’étude.

– La vieille salle d’étude Mr Dorian ? s’exclama-t-elle, mais elle est toute pleine de poussière ! Il faut que je la fasse mettre en ordre et nettoyer avant que vous y alliez. Elle n’est pas présentable pour vous, monsieur, pas du tout présentable.

– Je n’ai pas besoin qu’elle soit en ordre, Leaf. Il me faut la clef, simplement…

– Mais, monsieur, vous serez couvert de toiles d’araignées si vous y allez. Comment ! On ne l’a pas ouverte depuis cinq ans, depuis que Sa Seigneurie est morte.

Il tressaillit à cette mention de son grand-père. Il en avait gardé un souvenir détestable.

– Ça ne fait rien, dit-il, j’ai seulement besoin de voir cette pièce, et c’est tout. Donnez-moi la clef.

– Voici la clef, monsieur, dit la vieille dame cherchant dans son trousseau d’une main fiévreuse. Voici la clef. Je vais tout de suite l’avoir retirée du trousseau. Mais je ne pense pas que vous vous proposez d’habiter là-haut, monsieur, vous êtes ici si confortablement.

– Non, non, s’écria-t-il avec impatience… Merci, Leaf. C’est très bien.

Elle s’attarda un moment, très loquace sur quelques détails du ménage. Il soupira et lui dit de faire pour le mieux suivant son idée. Elle se retira en minaudant.

Lorsque la porte se fut refermée, Dorian mit la clef dans sa poche et regarda autour de lui. Ses regards s’arrêtèrent sur un grand couvre-lit de satin pourpre, chargé de lourdes broderies d’or, un splendide travail vénitien du dix-septième siècle que son grand-père avait trouvé dans un couvent, près de Bologne. Oui, cela pourrait servir à envelopper l’horrible objet. Peut-être cette étoffe avait-elle déjà servi de drap mortuaire. Il s’agissait maintenant d’en couvrir une chose qui avait sa propre corruption, pire même que la corruption de la mort, une chose capable d’engendrer l’horreur et qui cependant, ne mourrait jamais. Ce que les vers sont au cadavre, ses péchés le seraient à l’image peinte sur la toile. Ils détruiraient sa beauté, et rongeraient sa grâce. Ils la souilleraient, la couvriraient de honte… Et cependant l’image durerait ; elle serait toujours vivante.



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