Le nouvel inconscient by Naccache Lionel

Auteur:Naccache, Lionel [Naccache, Lionel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, France, Neurosciences
Éditeur: Le Toto Invisible - GT
Publié: 2006-09-10T22:00:00+00:00

Si l’on ne se contente pas de laisser la Nature agir « par accident », mais que l’on provoque le destin par un protocole de conditionnement, on réalise alors à quel point l’intuition de Spinoza était profonde et pertinente plus de deux siècles avant Pavlov !

L’apprentissage par conditionnement ne se résume cependant pas à cette forme élémentaire qui utilise la présentation simultanée des deux stimuli afin de transférer les propriétés de l’un à l’autre. Une variante très subtile du conditionnement consiste à introduire un très bref intervalle de temps entre la fin du stimulus conditionné et le début du stimulus inconditionnel.

Par exemple, si après la disparition de la lumière verte, une demi-seconde s’écoule avant que ne retentisse le son strident inconditionnel, vous ne remarqueriez sans doute pas immédiatement cette différence par comparaison avec une situation dans laquelle le son commencerait à retentir alors que la lumière verte serait encore allumée. Pourtant cette infime différence de présentation suffit à basculer dans un phénomène de conditionnement très distinct du conditionnement simple. Dans de telles conditions expérimentales utilisant un intervalle libre entre les deux stimuli, l’être humain peut encore apprendre par conditionnement, bien que de manière souvent plus inconsistante que dans le conditionnement simple. Plusieurs travaux ont montré ce point.

Larry Squire et ses collègues eurent l’intuition que cette forme d’apprentissage qui nécessite que le sujet conserve une trace active du premier stimulus, d’où son nom de trace conditioning, reposait sur un mécanisme qualitativement différent de l’apprentissage élémentaire que nous venons d’exposer à travers les travaux du groupe de Damasio. Ils testèrent des sujets neurologiquement sains et des sujets amnésiques à travers ces deux formes de conditionnement, le conditionnement simple ou à délai et le conditionnement par trace, en recueillant également le rapport conscient de chaque sujet pour chacune de ces deux formes de conditionnement6. Plus précisément, Squire demandait aux sujets en fin d’expérience s’ils avaient pris conscience du lien qui existait entre le stimulus conditionné et le stimulus inconditionnel (Clark et Squire, 1998). Sans surprise, le conditionnement simple fut acquis par chacun des participants malades ou sujets sains, qu’ils aient ou non pris conscience du lien établi entre les deux stimuli. Par contre, parmi les sujets sains, seuls ceux qui avaient pris conscience de ce lien acquirent le conditionnement par trace ! Aucun des malades amnésiques, incapables d’établir ce lien, n’acquit ce conditionnement par trace.

Cela signifie que, chez les sujets qui n’avaient pas pris conscience du lien entre les deux stimuli, l’intervalle d’une demi-seconde avait suffi à effacer toute trace du premier stimulus avant que le second ne commençât à être perçu. Cette évanescence de la représentation du premier stimulus interdisait ainsi tout apprentissage puisque rien de ce qui concernait le premier stimulus ne pouvait être mis en relation avec le traitement et les propriétés du second. Tout comme dans les expériences de Sperling, dans celles de Greenwald ou de Gentilucci, la forme d’inconscient qui sous-tend l’apprentissage par trace conditioning ne résiste pas aux contingences temporelles : une demi-seconde suffit pour annihiler toute forme d’apprentissage inconscient par conditionnement.

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