Le Lys d'or by Sollers Philippe

Le Lys d'or by Sollers Philippe

Auteur:Sollers, Philippe [Sollers, Philippe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: QcCanZ - ZN
Publié: 2013-02-19T23:00:00+00:00


IV

L'automne dont l'autre nom est déjà, Reine, l'automne c'est toujours déjà. Je vous écris dans l'une des dernières tranches de soleil, il y a encore la lumière et l'ombre, mais on sent la fin du théâtre, même si nous sommes au moins deux pour constater la division du papier. J'ai décidé, avant l'hiver, de mettre un peu d'ordre dans la collection de monnaies de mon grand-père (vous vous souvenez ?), les feuilles jaunissent, c'est le moment de regarder l'or et l'argent de plus près. Je pense aux mains et aux poches, aux coffres, aux cassettes, aux bourses, aux mots trébuchant et sonnant, à l'expression rubis sur l'ongle, aux désirs brillant dans l'ombre, à la valeur très relative du bien et du mal passant par ces petits cercles pleins. Phrases, monnaies, même silence de mort. Je pose mon stylo, je le regarde. Je pourrais rester comme ça longtemps, attendre que le soleil se déplace sur la page blanche... Yeou Mei, 1716-1797 :

« Je lis en plein midi, je suis fatigué,

Je pose ma tête sur mon bras, je m'endors,

Mais j'ai oublié de fermer la fenêtre et les fleurs

Emportées par le vent pénètrent dans la pièce et recouvrent mon corps. »

Je vous arrange la mélodie. En réalité, il faut lire :

Lecture midi fatigue

Poser tête bras dormir

Oubli fermer fenêtre fleurs dehors

Vent entrer pièce

Pétales couvrir corps.

C'est ce qui est si beau, en chinois, cette impression que des yeux infinis, infinitifs, rapides, veillent dans un coin d'espace résumant un temps poudroyant. Un coin flottant, détaché, comme moi, là, maintenant, soleil éclaboussant flou, vert passé des couleurs.

Au même moment, je vous vois chez vous, le visage penché sur votre lys métallique comme pour le sentir, nez dans les pétales froids, peau contre les lourds et rayonnants calices insensibles, fermés, comme vous. Votre front, votre nez : martèlement blanc.

Dans le Tao, la tête est le néant, Reine. La colonne vertébrale, la vie. Et le cul, la mort.

La tête n'est pas plus le cul que le néant n'est la mort. La pensée du néant, à travers la vie, peut illuminer la mort. Vous voyez ce que je veux dire ? Non ? Passons.

Les monnaies, donc : tous ces Louis ! La France dédiée à l'ouïe ! Louis d'or à la mèche courte ou longue, juvéniles, virils, mûris, vieux, laurés ! Le silence est d'or, on paye avec, on l'écoute. Lilia non manent : les lis ne filent pas, ils ne tissent pas, et Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux... Vous connaissez le raisonnement évangélique : si Dieu habille ainsi l'herbe qui est là aujourd'hui et qui, demain, sera jetée au four, combien plus ne fera-t-il pas pour vous, gens de peu de foi ! Pas besoin de travailler, de peiner, d'amasser : les oiseaux, les lis. Devise française. Royale, bien entendu, le reste n'a qu'à se débrouiller dans la nature. Et le voici, le lis d'or, son histoire est curieuse : cours légal de sept livres tournois, fabriqué grâce à l'édit registré le 23 décembre 1655.



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