Le kabbaliste de Prague by Halter Marek

Le kabbaliste de Prague by Halter Marek

Auteur:Halter,Marek [Halter,Marek]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
ISBN: 9782221113530
Éditeur: AlexandriZ
Publié: 2010-01-20T17:02:38+00:00


Bachrach et moi fûmes debout. Elle se tenait sur le seuil d’une porte s’ouvrant dans les tentures et que je n’avais pas devinée. Durant un bref instant, il me sembla qu’elle appartenait aux personnages qui entouraient Moïse dans sa fuite d’Égypte. Elle en avait la pâleur de visage, le corps maigre dissimulé dans une longue robe, à peine pincée sous la poitrine et dont le velours vert formait des plis aux reflets d’un gris soyeux. Des cernes profonds creusaient son regard. Des yeux lointains, tout à la fois agités par l’éclat provocant de sa détermination et la flamme fiévreuse d’une détresse si intense que ma gorge se ferma à tous les mots que j’aurais voulu prononcer.

Elle s’avança pourtant avec grâce, d’un pas qui paraissait avoir acquis un balancement nouveau, comme si, d’aller et venir dans cette maison princière, elle avait conquis une aisance désinvolte.

Elle tendit la main droite à Bachrach, qui la baisa avec tendresse. Puis nous fûmes face à face.

Je me sus incapable d’un geste comme je l’étais d’une parole. De près, la pâleur d’Éva témoignait de son épuisement. Je me souvins des premières paroles de Bachrach : « Elle passe de mauvaises nuits… » Oui, elle avait les lèvres transparentes, les tempes rosies de fièvre et sa peau si fine se lustrait sur les pommettes d’une lueur maladive.

Je secouai involontairement la tête, comme on le fait devant ce qui nous désole. Un mouvement qu’elle comprit aussitôt. Les larmes envahirent ses yeux. Elle murmura mon nom. Deux fois. Comme on appelle dans la prière. Et d’un coup je la reçus contre moi.

Elle noua ses bras autour de mon cou, y suspendit son corps qui ne pesait rien. Je fermai les yeux, pris de vertige, et je crus m’effondrer sous son élan. Je l’enlaçai et la soutins. Son souffle brûlait mon cou, le mouillait de sanglots silencieux. Je mis quelques secondes à comprendre que ce tremblement saccadé qui me frappait le ventre et la poitrine venait d’elle. Il traversait les lourds tissus aussi aisément qu’un fin coton. C’étaient là les spasmes d’une terreur absolue.

Je rouvris les paupières. Bachrach nous avait tourné le dos et regardait par la fenêtre. Je voulus repousser doucement Éva. Elle s’écarta d’elle-même, d’un bond, saisie par la même violence avec laquelle elle m’avait enlacé.

Elle jeta un coup d’œil vers Bachrach avant de me dire :

— Le dibbouq m’emporte toutes les nuits, David. Je n’ose plus fermer les yeux. Je crois dormir et il vient en moi. Il m’agite comme une poupée. Je parle, mais ma voix n’est plus la mienne. C’est celle d’un homme. Samuel en devient fou. C’est lui qui entend tout, car moi, après, je ne me souviens de rien.

— Un homme ?

— Oui, une voix d’homme qui dit des choses dans une langue que j’ignore. Ou peut-être les dit-il de manière qu’on ne puisse comprendre. Maintenant, quand vient la nuit, je marche dans toutes les pièces de la maison pour que le sommeil ne me rattrape pas. Mais il arrive toujours un moment où je m’épuise.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.