Le gorille dans le cirage by Antoine Dominique

Auteur:Antoine Dominique [Dominique, Antoine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Littérature française, Espionnage
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

IX

Abraham savait faire un lit, disposer un plateau jeter les cubes de glace dans un seau. Abraham retenait ce qu’il avait lu avec la mémoire stupéfiante des noirs.

Un jour, il avait tué un serpent. Ce jour, c'était tout son passé d’action.

Il s'était jeté sur Chaboute pour la protéger parce qu’il ne voyait pas la conséquence de son geste. Il ne connaissait pas ce genre de conséquence.

I1 ne comprit rien de ce qui suivit.

Il distingua, dans l’obscurité, le Somali au bras levé. À partir de là, son intelligence cessa de fonctionner. Il ne sentit plus sa blessure. La terreur le fit verser sur le côté. Aussi bien aurait-il pu se mettre à genoux pour supplier à mains jointes. Ses doigts se crochèrent dans le jupon blanc du Somali qu’il désaxa; le tranche-cabêche dut l’enjamber pour retrouver son équilibre et s'appuyer sur l'épée. Sous la violence du mouvement, le fer rentra d’une bonne main dans le sol, tout contre le cou de Chaboute, mais sans la toucher.

Les lèvres retroussées, les dents serrées sur deux mille ans d’instinct qui remontaient, l’ouverture de l'œil devenue carrée, un peu de bave à la bouche, le doux Abraham avait maintenant glissé une main derrière le jupon du Somali et il se hissait sur lui.

Ils tombèrent à terre, sur Chaboute. Abraham vit une jambe noire, y planta ses dents et arracha le morceau. L'autre retira son épée du sol, Abraham était déjà sur lui. Le Somali tentait bien de lui fouailler les tripes. Mais leurs oripeaux, à demi défaits, les fondaient en un commun et insoluble ballot! L'épée devenue inutile, le Somali réussit à glisser son pouce dans le coin de l'œil d'Abraham. Il espérait faire sauter cet œil hors de l'orbite. De son côté, Abraham au moyen de son index recourbé, tentait de lacérer les narines du Somali. Il n’y parvenait pas. Mais il réussit à saisir un pouce entre ses dents. Abraham serra tout en secouant la tête pour détacher la phalange. Ces deux hommes n’entendaient rien, ne voyaient rien des appels et des lampes qui faisaient balancer les arbres. Ils soufflaient, essayaient de s’énucléer, de se déchirer.

Chaboute dans un ascenseur en coton, progressait maintenant à quatre pattes, vers un taillis reculé. Elle avait peur des lueurs qui auraient pu la sauver. Elle se terrait.…

Le Somali reprit le dessus. Il s’assit sur le ventre d'Abraham, pour l’assommer à loisir, lorsqu’il aperçut, à terre, l'éclat de sa lame. Il s’y précipita.

Abraham se redressa. D’un coup, l'intelligence lui revint. Le raisonnement organisé. Et sa trouille d'homme « savant », le paralysa.

Un grand chien jaune, efflanqué sortit d’un taillis et se bloqua, en arrêt, au pied du Somali, poussant un aboiement ululé.

Ce fut instantané. Tout le monde s’était donné rendez-vous ici! Mitraillettes au flanc : Geo, Soufflant et Mac Moal. Une dégoulinade de noirs autour d'Abraham, dont la figure était barbouillée de sueur, de poussière et de sang. Mais plus de ravisseur, plus de Chaboute... Soufflant secouait Abraham.

— Où est-elle? Où est-elle?

Le Capitaine Somali était arrivé bientôt à

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