Le dossier Holmes-Dracula by Fred Saberhage

Auteur:Fred Saberhage [Fred Saberhage]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE XI

Dans son style de bon faiseur - sinon dans ce que je me garderai d'appeler une prose brillante - feu le docteur Watson a donné un compte rendu en grande partie exact des événements qui se déroulèrent dans l'établissement de Barley en cette lointaine nuit de juin. Il y a néanmoins, selon moi, un ou deux détails dont le lecteur pourrait tirer avantage d'un autre point de vue, même si cela occasionne une légère redite. C'est pourquoi je reprends mon récit à peu près au moment où la police enfonça la porte d'entrée de la taverne.

Bien sûr, j'aurais pu les entendre arriver de loin, si mon attention n'avait pas été rivée sur ce petit bureau privé à l'intérieur duquel Watson et Moore avaient si maladroitement essayé de jeter un regard. Ainsi que Watson l'a consigné, mes fonctions de porteur de rats m'avaient mené à la salle du haut ; mais, au risque de paraître vantard ou ennuyeux, permettez-moi de vous rappeler encore une fois, la dernière, que mon ouïe est beaucoup plus fine que celle de la plupart des humains qui respirent, si fine que, si les animaux et les amateurs de ces divertissements sanglants autour de moi avaient été moins bruyants j'aurais eu de bonnes chances d'entendre presque tout ce que Barley et les deux autres disaient dans le bureau du rez-de-chaussée, même s'ils parlaient à voix basse.

Leur conversation portait sur un sujet qui avait depuis peu commencé à exercer une véritable fascination sur moi : les rats. L'un des participants était Barley, bien sûr ; le grondement sonore de sa voix était aisément reconnaissable, malgré tous ses efforts pour l'étouffer. Je ne reconnus pas la deuxième voix, mais la troisième était indubitablement celle de ma vieille connaissance, le docteur toujours sans nom. Je l'entendis avec des élancements dans les marques laissées par les aiguilles sur mes bras... oh oui, parfois le métal est capable de blesser et de torturer même ceux qu'il ne peut pas tuer !

De façon regrettable, le vacarme des rongeurs déchiquetés et des chiens blessés, ainsi que les sons guère plus humains émis par les hommes qui regardaient et pariaient, m'empêchaient d'entendre plus que des bribes de cette conversation lointaine. Et ce que j'étais à même d'entendre était diablement abscons et fragmentaire, comme les conversations le sont d'ordinaire quand le sujet est bien connu de tous les participants et qu'ils discutent de détails techniques. Je parvins seulement à apprendre que le docteur désirait acheter plusieurs milliers de rats le plus rapidement possible. Il me semble qu'il avait une certaine préférence pour le Rattus rattus, et Barley et l'autre homme allaient apparemment servir de courtiers.

Cela ne m'apprenait pas grand-chose. Néanmoins j'étais satisfait de ma situation. Et j'avais élaboré le plan suivant : lorsque mon ancien bourreau quitterait la taverne de Barley, ce qu'il devrait faire tôt ou tard, je ne serais pas très loin derrière lui. Ensuite je guetterais l'occasion de lui parler seul à seul, dans un endroit où nous ne serions pas dérangés.

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