Le disparu du Mékong by Marc Charuel

Auteur:Marc Charuel [Charuel, Marc]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Poster, Littérature Française, Thriller
ISBN: 9782810009411
Google: GoPWDwAAQBAJ
Éditeur: Toucan
Publié: 2020-03-17T23:00:00+00:00

60

Le bar de Tuan se trouvait à deux pas de l’hôtel Caravelle. Estelle Becker fit entrer une cartouche dans la chambre de son pistolet, fixa l’arme sur l’une de ses cuisses, puis quitta la suite qu’elle venait de louer au deuxième étage du palace. Sous sa jupe, le minuscule automatique était indétectable. Et disponible en un tour de main.

Avec sa perruque rousse, son rouge à lèvres et ses lunettes noires, Becker était transformée. Une autre femme. Bien malin celui qui la reconnaîtrait. Malgré cela, l’angoisse était toujours présente. Fichée au creux de son ventre comme un parasite douloureux. Plus elle réfléchissait aux derniers mots prononcés par Perrin, plus elle se persuadait d’être elle aussi menacée. Elle connaissait trop la Boîte pour ne pas savoir que la raison d’État primait sur toute considération classique d’ancienneté, d’amitié et de services rendus. Les hommes qui la dirigeaient, comme leurs alter ego américains, chinois, israéliens, ne prenaient aucun risque de déplaire au pouvoir. Toujours prêts à faire table rase du passé pour durer.

Ce que lui apprendrait Tuan l’aiderait peut-être à y voir plus clair. Et à retrouver Caron ailleurs que dans ce piège du centre-ville.

Elle jeta un bref coup d’œil derrière elle et poussa la porte. Tel qu’elle le connaissait, le bar était vide de clients. La serveuse dormait, affalée sur un canapé à côté de la clim.

Elle toucha son bras du bout de l’index.

— Hello. Mister Tuan ?

La fille émergea d’un sommeil lourd, les yeux clignant de manière saccadée comme si la lumière les lui avait brûlés.

— Oh yes. Wait !

Becker attendit qu’elle l’appelle, puis la tenture masquant l’escalier s’écarta. Tuan apparut, guère plus frais que sa serveuse.

— Nom d’un chien, c’est toi, Estelle, sous ce déguisement ? Ça fait plaisir.

— Salut. On peut parler tranquillement ?

Tuan fit signe à son employée de s’en aller.

— Tu viens d’arriver ?

— Il y a une heure.

— Où tu crèches ?

— Chez des amis, derrière le zoo, mentit Estelle. Dis-moi, tu as rencontré mon ami Caron ?

— Ah, Vincent ! Bien sûr. Grâce à toi, j’ai retrouvé cette vieille connaissance de l’époque de la guerre…

— Caron ? Tu le connaissais ?

— Je le croyais mort depuis tout ce temps. Et lui aussi me pensait disparu dans la tourmente de la chute de Saigon, c’est drôle, non ?

Estelle Becker tira à elle un tabouret et s’assit contre le comptoir.

— Fuck ! C’est sérieux ?

— Comme je te le dis.

— Donc, tu le vois régulièrement. Vous êtes restés en contact.

Tuan écarta les bras en signe d’impuissance.

— Malheureusement non. Il est venu le jour de son arrivée, comme toi, puis plus de nouvelles ! Il devait me rappeler, mais ne l’a pas fait.

— Tu sais où il habite ?

— Pas du tout. Je n’ai aucun moyen de le joindre. Mais toi, tu ne sais pas ?

— Si je te le demande !

Tuan ne l’avait pas quittée des yeux.

— Tu m’as l’air stressé, jolie Estelle…

Elle ramena une mèche de sa perruque derrière l’oreille.

— Pas plus que d’habitude. Mais j’espérais que tu me dises où le trouver.

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