Le deuxieme sexe_tome1 by Beauvoir de Simone

Le deuxieme sexe_tome1 by Beauvoir de Simone

Auteur:Beauvoir de,Simone [Beauvoir de,Simone]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Philosophie, Féminisme
Éditeur: Gallimard
Publié: 2015-05-11T04:00:00+00:00


TROISIÈME PARTIE

MYTHES

CHAPITRE PREMIER

L’histoire nous a montré que les hommes ont toujours détenu tous les pouvoirs concrets ; depuis les premiers temps du patriarcat ils ont jugé utile de maintenir la femme dans un état de dépendance ; leur codes se sont établis contre elle ; et c’est ainsi qu’elle a été concrètement constituée comme l’Autre. Cette condition servait les intérêts économiques des mâles ; mais elle convenait aussi à leurs prétentions ontologiques et morales. Dès que le sujet cherche à s’affirmer, l’Autre qui le limite et le nie lui est cependant nécessaire : il ne s’atteint qu’à travers cette réalité qu’il n’est pas. C’est pourquoi la vie de l’homme n’est jamais plénitude et repos, elle est manque et mouvement, elle est lutte. En face de soi, l’homme rencontre la Nature ; il a prise sur elle, il tente de se l’approprier. Mais elle ne saurait le combler. Ou bien elle ne se réalise que comme une opposition purement abstraite, elle est obstacle et demeure étrangère ; ou bien elle subit passivement le désir de l’homme et se laisse assimiler par lui ; il ne la possède qu’en la consommant, c’est-à-dire en la détruisant. Dans ces deux cas, il demeure seul ; il est seul quand il touche une pierre, seul quand il digère un fruit. Il n’y a présence de l’autre que si l’autre est lui-même présent à soi : c’est-à-dire que la véritable altérité est celle d’une conscience séparée de la mienne et identique à elle. C’est l’existence des autres hommes qui arrache chaque homme à son immanence et qui lui permet d’accomplir la vérité de son être, de s’accomplir comme transcendance, comme échappement vers l’objet, comme projet. Mais cette liberté étrangère, qui confirme ma liberté, entre aussi en conflit avec elle : c’est la tragédie de la conscience malheureuse ; chaque conscience prétend se poser seule comme sujet souverain. Chacune essaie de s’accomplir en réduisant l’autre en esclavage. Mais l’esclave dans le travail et la peur s’éprouve lui aussi comme essentiel et, par un retournement dialectique, c’est le maître qui apparaît comme l’inessentiel. Le drame peut être surmonté par la libre reconnaissance de chaque individu en l’autre, chacun posant à la fois soi et l’autre comme objet et comme sujet dans un mouvement réciproque. Mais l’amitié, la générosité, qui réalisent concrètement cette reconnaissance des libertés, ne sont pas des vertus faciles ; elles sont assurément le plus haut accomplissement de l’homme, c’est par là qu’il se trouve dans sa vérité : mais cette vérité est celle d’une lutte sans cesse ébauchée, sans cesse abolie ; elle exige que l’homme à chaque instant se surmonte. On peut dire aussi en un autre langage que l’homme atteint une attitude authentiquement morale quand il renonce à être pour assumer son existence ; par cette conversion, il renonce aussi à toute possession, car la possession est un mode de recherche de l’être ; mais la conversion par laquelle il atteint la véritable sagesse n’est jamais faite, il faut sans cesse la faire, elle réclame une constante tension.



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