Le dernier qui s'en va éteint la lumière : Essai sur l'extinction de l'humanité by Paul Jorion

Le dernier qui s'en va éteint la lumière : Essai sur l'extinction de l'humanité by Paul Jorion

Auteur:Paul Jorion [Jorion, Paul]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


La conscience nous permet de bâtir une mémoire adaptative

Nous sommes en permanence comme dans un rêve. Nous débarquons dans une pièce où tout vient de se jouer à notre insu, où nous nous disons : « Ah oui, je comprends ! », pour nous rassurer sur le fait que précisément tout ne nous a pas échappé. Ce que les autres ont fait, et ce que nous avons fait nous-mêmes et dont nous constatons les effets bénéfiques ou les dégâts. Notre conscience intervient donc comme un après-coup, juste bonne à découvrir, comme au soir de la bataille, le champ couvert de morts et à se demander que faire à partir de là : nous intégrons une information nouvelle, nous apprenons sans aucun doute, mais nous ne pourrons faire usage des choses apprises, ou plutôt « notre corps ne pourra en faire usage », que la prochaine fois.

Il reste à comprendre pourquoi le « regard de la conscience » est apparu dans l’évolution biologique. L’explication – en parfait accord avec les observations de Libet – est qu’il s’agit d’un mécanisme nécessaire pour que nous puissions nous constituer une mémoire adaptative en associant à nos perceptions les affects qu’elles provoquent en nous, et cela bien que les sensations en provenance de nos divers organes sensoriels (nos « capteurs ») parviennent au cerveau à des moments légèrement décalés : l’œil est tout près du cerveau, mais non le bout d’un de mes doigts (ibid. : 183-185). La conscience est la « fenêtre » permettant la synchronisation nécessaire à la constitution d’une mémoire adaptative.

Le rôle de la conscience est de permettre au mécanisme de la mémoire d’opérer correctement dans ses trois dimensions. D’abord, inscrire en mémoire toutes les sensations accompagnant un événement, aussi bien celles d’origine externe que nous procurent nos sens (y compris les messages linguistiques oraux ou écrits) que celles d’origine interne, associées à l’affect que nous avons ressenti (y compris la parole intérieure). Ensuite, nous remémorer, c’est-à-dire user de la capacité d’un événement présent à évoquer des événements similaires enregistrés en mémoire, semblables aussi bien par la sensation (y compris les mots employés) que par l’affect ressenti. Enfin, user de la capacité de l’inscription en mémoire qui a lieu en ce moment même à interférer dynamiquement avec la remémoration – ce que nous appelons « imaginer ce qui va se passer ».

Dans ce cadre, cette fenêtre de la conscience a pour seule finalité la survie. Elle permet de mémoriser les réactions les plus adaptées à des situations potentiellement gratifiantes ou dangereuses. Cette aventure commence avec la naissance et se conclut par la mort. La séquence dans son ensemble nous apparaît comme une saga dramatique, relativement passionnante, mais n’est que le fruit d’une reconstruction volontariste leurrée dans son rapport à la réalité. Nous ne sommes pas passifs, au sens où nous éprouvons véritablement ces situations ; mais, étant ce que nous sommes, notre degré de liberté au moment même est nul : il n’y a alors aucune possibilité de jouer la pièce autrement qu’elle se joue.



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