Le cycle des légendes by unknow

Auteur:unknow
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Pocket
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Là où les croisements sont aussi compliqués

à réaliser, l’avortement est interdit.

Mais on peut le dépénaliser quand même.

10

AMENDE HONORABLE

de Glenn R. Sixbury

Aujourd’hui, Mikhael avait l’impression d’être plus vieux qu’il ne l’avait jamais été au cours de ses soixante-douze hivers. Ses cheveux gris tombaient sur ses épaules comme une cascade gelée, et des rides profondes creusaient son visage, témoins du poids des décisions passées.

Aujourd’hui, il enverrait quelqu’un à la mort, et comme toujours, il redoutait cela plus que la fin de sa vie sur Ténébreuse. Ses yeux las, d’un bleu délavé, embrassèrent la salle d’audience, construite l’année même où il était devenu Seigneur d’Aldaran. Ses sujets se pressaient dans la vaste enceinte, comme un troupeau de chervines dans un défilé sans issue, rabattus là par le cri terrifiant d’un banshee.

Craven, qui avait porté l’accusation, s’avança se détachant des autres villageois. gé d’une cinquantaine d’années, il avait perdu la plupart de ses cheveux et, comme le plus simple berger, ne quittait jamais son chapeau, même à l’intérieur.

— Le peuple d’Aldaran demande justice, déclara Craven, montrant le mur latéral.

Deux gardes entrèrent, traînant entre eux une jeune femme.

Craven pointa sur elle un doigt noueux.

— Cette femme, Lonira de Ravensburg, a assassiné son propre enfant.

Mikhael ne la reconnut pas, bien qu’il connût sa mère, Reney, la vieille sage-femme. gée au plus de dix-sept printemps, avec un corps svelte comme un rameau d’hiver, elle ne semblait guère capable d’assassiner quiconque. Debout devant lui, ses cheveux blonds en désordre et ses yeux bleus ternes et sans vie, elle regardait ses pieds sans rien dire.

Mikhael n’eut pas besoin de son laran pour sentir la violence de ses émotions et la souffrance qu’elle éprouvait. Son visage contracté par l’adversité n’exprimait aucun remords – seulement la confusion et le désespoir. Il attendit et, finalement, elle releva la tête et le regarda.

La vue de son visage lui coupa le souffle. Un instant, il eut l’impression de revoir Elline.

Cette brève illusion rappela à Mikhael un jour de printemps révolu depuis plus longtemps qu’il ne voulait y penser. Un chaud soleil réchauffant ses larges épaules et son visage, il galopait avec Elline à travers les prairies entourant le Donjon d’Aldaran. La brise leur apportait l’odeur douce et entêtante du kireseth – pas assez puissante pour être dangereuse, mais assez pour faire paraître le monde sans danger et meilleur qu’il n’était, uniquement rempli d’amour infini révélé par leur laran surexcité. Mariés seulement au solstice d’hiver, ils trouvèrent une clairière. Sous un ciel clair, et dans la rare chaleur dispensée par leur soleil rouge, ils partagèrent leur passion et vécurent un après-midi parfait. Ce jour fut l’apogée d’une année qui avait été la plus belle de sa vie. Repensant à cette époque, il eut l’impression qu’alors seulement il avait été vivant.

La voix monotone de Craven chassa l’image.

— Quand j’ai vu Lonira s’enfoncer toute seule dans le bois, Seigneur, j’ai craint pour sa sécurité et son honneur. Je savais que son mari était mort l’été dernier dans l’échauffourée avec les Ridenow. Je l’ai suivie.

Mikhael eut du mal à réprimer un sourire.

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