L’urbanisme d’après crise by Alain BOURDIN

L’urbanisme d’après crise by Alain BOURDIN

Auteur:Alain BOURDIN
La langue: eng
Format: epub
Tags: Urbanisme, sociologie, crise
Éditeur: Editions de l'Aube
Publié: 2014-03-04T15:27:44+00:00


Le naufrage des savoirs

La croyance la plus dangereuse véhiculée par l’urba­nisme libéral réside donc dans l’idée que tout peut se simplifier. Malgré quelques odes à la complexité, ceux qui l’introduisent réellement dans leur cadre de raisonnement et qui veulent penser l’action dans un monde incertain ne font pas trop recette en urba­nisme.

Le concours du Grand Paris illustre à merveille la réduction de la complexité par des procé­dures magiques. L’agglomération ­parisienne connaît une sorte de passage à vide. Plusieurs études, dont en parti­culier celle de Ernst et Young en 2004, montrent qu’elle perd son leadership sur des indicateurs aussi importants que le dépôt de brevets. Une véritable crise du logement s’y est développée, la vie quotidienne y est difficile, les transports en commun nécessitent de nouveaux investissements, les banlieues expriment leurs difficultés dans l’arène politique et dans la rue. Il faut trouver de nouvelles « turbines », ­notamment du côté de l’association entre industrie et recherche, pour dynamiser cette agglomération, améliorer la vie quotidienne des habitants des banlieues et mettre un ordre minimal dans ses institutions politiques et administratives.

Sur l’initiative du président de la République, le ministère de la Culture a lancé un concours d’idées qui s’est déroulé pour l’essentiel en 2008. L’objectif était de proposer une stratégie pour le grand Paris, dans la perspective de la ville post-Kyoto. Les équipes rassem­blées autour d’un architecte devaient compter des chercheurs et des experts de toutes sortes car on visait une approche pluridisciplinaire. Tout cela dans des délais très brefs. Qu’en est-il résulté ? Une ­montagne d’informations (en général déjà connues), de micro-études, de propositions allant des plus ­réalistes aux plus gratuites, d’images. Les livres, tous plus épais les uns que les autres, bourrés de belles illustrations et difficiles à lire qu’ont réalisés les équipes, témoignent de cette profusion et de ce désordre. Quelques propositions phares émergent, comme le Central Park ou la ville jusqu’au Havre, autour desquelles se concentre le débat, et des images de tours complètement végétalisées ou de transport en commun en viaduc au-dessus du boulevard périphérique. Peut-être le président de la République y ­trouvera-t-il l’esquisse du projet qu’il pourra laisser à la postérité, comme ses prédécesseurs.

Espérons que quelqu’un s’occupera sérieusement, et loin des médias, de trier tout cela, de le mettre en ordre et d’en faire un répertoire d’idées et d’analyses que les planificateurs et les aménageurs de l’Île-de-France pourront utiliser dans les années qui viennent. Car la complexité ne s’enferme pas dans quelques idées ou images simples.

Pour comprendre les difficultés d’une approche complexe de la ville et définir les termes de l’énigme que cela constitue, il convient de se persuader de deux choses : d’une part, la fongibilité de l’information urbaine reste toujours faible, d’autre part, dans le domaine de l’urba­nisme, l’interdisciplinarité a presque totalement échoué. Le temps où les enquêtes urbaines devaient répondre à des questions précises est passé depuis belle lurette, l’école de Chicago, le père Lebret et quelques autres appartiennent à ­l’histoire. La ­statistique des années 1960 qui, en France du moins, livrait une information



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