L'Îlon by Pierre Boulle

L'Îlon by Pierre Boulle

Auteur:Pierre Boulle [Boulle, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: BIB essais
Éditeur: Éd. De Fallois
Publié: 1991-02-15T00:00:00+00:00


XIV

Sport, distraction cruelle, ou passion morbide comparable à une sorte de délire extatique, la chasse était mon plaisir favori. Après l’ouverture, il m’arrivait souvent de délaisser cordeaux, anguillères et filet, comme des amusements frivoles. La chasse m’a dispensé des émotions plus violentes que la pêche, et laissé des images plus précises et plus brillantes, sans doute parce qu’elles étaient plus rares, donc plus précieuses. Si j’ai perdu le souvenir de pas mal de barbeaux, excepté le plus gros, si je n’ai conservé que celui de quelques prises sortant de l’ordinaire, j’ai gardé en mémoire toutes les pièces de gibier honorable que j’ai inscrites à mon tableau. Pourquoi ? Parce que c’était chaque fois un événement exceptionnel.

Jugez-en : si je fais le compte de tous les lapins abattus pendant cette période de L’Îlon, c’est-à-dire cinq ou six ans, je parviens à grand-peine à deux douzaines. Si je procède de même pour les perdreaux, je n’ai pas besoin des doigts de mes deux mains pour les dénombrer. En vérité, il y en eut exactement sept. Quant aux canards, hélas ! J’ai raconté autrefois ce qu’il en était. C’est ce qui explique que chacune de ces réussites était un événement marquant, que je n’ai pas oublié. Les grands fusils (des tireurs, pas des chasseurs), qui comptent par dizaines ou par centaines les faisans tués au cours d’une seule battue, ne connaîtront jamais l’exaltation que m’a procurée chacune de ces aventures. J’ai déjà narré l’espèce de délire qui s’était emparé de moi lors de mon premier lapin. Pour tous les autres, ce fut un enthousiasme presque comparable.

Mais voilà que je parle de lapins et de perdreaux ! Il me fallait encore grandir et, surtout, être en possession d’un vrai fusil pour les affronter. Je devais me contenter pour le moment de ma modeste carabine, dans le voisinage immédiat de L’Îlon, sous le couvert des saulaies, ou d’accompagner mon père, sans arme, ou encore de placer quelques pièges sur les rives du Rhône.

Marcel Pagnol a longuement décrit ce piégeage des passereaux dans Le Château de ma mère. Je me contenterai d’indiquer quelques différences de méthode et de résultats existant entre les collines giboyeuses d’Aubagne 9 et le modeste quartier de L’Îlon. Pour les pièges, ils étaient les mêmes, appelés pudiquement, comme il l’écrit, pièges à rats. Il avait sûrement remarqué le sourire indulgent du commerçant chez qui il les achetait, le même (il n’y a pas de différences d’attitude à ce sujet entre les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse ou le Gard), le même que tous les quincailliers de Provence arborent, avant de lui livrer les engins, lorsqu’un gamin de dix à douze ans lui demande timidement s’il a des pièges pour attraper les rats qui pullulent dans le grenier de ses parents.

Parmi les différences de méthode, il y avait les appâts. Pagnol mentionne les aludes, sortes de fourmis. J’utilisais des sauterelles. Je n’ai jamais eu l’idée d’employer un autre insecte. Pourquoi ? C’était une tradition de famille, et cela donnait de bons résultats. De plus, on pouvait trouver facilement des sauterelles dans les champs.



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