Lallia by E.C. TUBB

Auteur:E.C. TUBB [TUBB, E.C.]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Librairie des Champs-Élysées
Publié: 1979-05-15T14:27:59+00:00

VI

C’était carnaval sur Joie.

Des serpentins de fumée colorée flottaient dans l’air, lumineux dans le soleil mourant, et de tous côtés montaient de la musique et des bruits joyeux. Des tentes, des baraques, des boutiques démontables, des rings en plein air pour la lutte et les enclaves bien closes pour le chatouillement des sens, jongleurs, cascadeurs, contorsionnistes, charlatans promettant le bonheur éternel et harpies rôdant, l’œil dur, le charme trompeur, pour offrir du plaisir à ceux qui venaient prendre part à la fête.

— Nous pourrions faire des affaires ici, dit Lallia, debout à côté de Dumarest en haut de la rampe. Quand il fera vraiment nuit, je pourrais me mettre au travail. Ces imbéciles enivrés ne repousseront pas la caresse d’une femme et ils seront trop gris pour surveiller leurs poches. En cas d’ennuis, tu serais là, et nous pourrions gagner gros.

— Non, dit Dumarest.

— Pourquoi ? Son ton était moqueur. La morale, m’amour ?

— Le bon sens. Le risque est trop grand pour le gain.

— Nous avons besoin d’argent, insista-t-elle. Ta part sur les bénéfices de la Murène suffit à peine à m’acheter des habits neufs. Vois-tu un meilleur moyen de nous en procurer, Earl ?

Il ignora la question, et contempla les vaisseaux disséminés sur le terrain. La plupart étaient vieux, cabossés, des vaisseaux marchands comme la Murène, mais quelques-uns étaient neufs et l’un d’entre eux était important. Un vaisseau étranger dans la Toile et qui se dirigeait peut-être vers l’Extérieur. Accompagné de la femme, il s’y rendit, grimpa la rampe jusqu’au sabord ouvert. A l’intérieur, des ombres se mouvaient dans l’obscurité, et un homme, sanglé dans son uniforme, le visage dur, s’avança vers lui.

— Vous désirez ?

— Un engagement, si c’est possible.

— Vous êtes de la Murène ?

— Oui.

— Alors, pas question, fit l’homme. Il n’y a pas de place vacante, et surtout pas pour quelqu’un de ce rafiot. Il lança un regard à Lallia. Votre femme ?

— Son épouse, dit Lallia. Qu’avez-vous contre la Murène ?

— Personnellement, rien, reconnut l’homme. Mais elle a mauvaise réputation. Si vous voulez un conseil, évitez de la mentionner.

Dites que vous êtes de l'Argos ou du Deltara, deux vaisseaux qui sont partis juste avant le carnaval.

— Je m’en souviendrai, dit Dumarest. Si vous n’avez pas de place pour moi, est-il possible de voyager en Bas ?

— Ça se pourrait. L’homme hésita. Écoutez, je ne peux pas vous donner de réponse définitive avant d’en avoir référé au capitaine. Vous feriez mieux de revenir dans quelque temps ; nous ne partons que dans deux ou trois jours, mais autant que je sache, si vous pouvez payer, vous aurez un passage. Ça va ?

— Merci, dit Dumarest. Au revoir.

Il marcha jusqu’à la lisière du champ d’atterrissage, pensif. Ce devait être pareil sur les autres bâtiments : un seul homme de garde, pendant que le reste de l’équipage vaquait à ses affaires ou à ses plaisirs. Lallia lui toucha le bras.

— Penses-tu sérieusement à partir, Earl ?

— Oui.

— Et moi ?

Elle était inquiète, il le voyait à sa façon de s’accrocher à son bras, à l’expression de ses yeux.

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