L'âge soviétique by Alain Blum & Françoise Daucé & Isabelle Ohayon & Marc Elie

L'âge soviétique by Alain Blum & Françoise Daucé & Isabelle Ohayon & Marc Elie

Auteur:Alain Blum & Françoise Daucé & Isabelle Ohayon & Marc Elie
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Armand Colin
Publié: 2021-09-12T10:11:39+00:00


Illustration 9 : Brigade de femmes déportées en Sibérie

© Rimgaudas Ruzgys, Archives sonores, Mémoires européennes du Goulag37.

Les camps du Goulag ne sont pas les seuls à rassembler une main-d’œuvre contrainte de travailler et interdite de circulation. En effet, les déplacements forcés de populations, reléguées dans des territoires très éloignés de leur lieu de résidence, constituent la seconde source – tout aussi importante en nombre – soumise à l’obligation de travail et de résidence, ne pouvant les quitter sans ordre du ministère de l’Intérieur. Ces exilés vivent parfois dans des villages isolés construits par eux-mêmes, parfois dans des villages préexistants. Sans être dans l’environnement du camp, ils ne sont pas moins très contrôlés. Que ce soient les détenus du Goulag ou les exilés assignés à résidence, tous contribuent entre 1936 et 1953 à l’organisation du peuplement du territoire soviétique (chapitre 4).

Un tel usage du territoire pour éloigner ceux ou celles considérés comme présentant un risque pour la société et l’emploi d’une main-d’œuvre privée de liberté pour exploiter les richesses d’un territoire ne sont, bien entendu, pas propres à la Russie tsariste ou à l’URSS. La quasi-totalité des Empires coloniaux en firent autant38. Cependant l’URSS du xxe siècle poussa cette logique à l’extrême.

La migration-répression et le déplacement forcé ne sont pas, durant le xxe siècle, les seuls dispositifs de cette ingénierie migratoire. Très tôt, les autorités soviétiques cherchent, dans le cadre de l’économie planifiée fondée sur la centralisation et la rationalisation des décisions, à organiser les déplacements de populations. Dans les territoires occidentaux considérés comme trop peuplés par rapport à la disponibilité de la terre, les paysans font l’objet des premières mesures de déplacement vers des régions orientales au contraire inoccupées et peu exploitées. Le commissariat du peuple à l’Agriculture met en place un département des migrations, chargé d’organiser ces déplacements, en incitant voire en forçant les paysans à quitter leurs terres surpeuplées pour s’installer dans ces régions vierges de toute mise en valeur. Cette politique évolue au gré de nombreux changements institutionnels et organisationnels et de stratégies diverses, montrant à quel point elle ne satisfait pas les objectifs perfectionnistes de planification de la répartition de la main-d’œuvre paysanne. Dans un modèle très centralisateur et planificateur, un comité pansoviétique des migrations est créé en 1925. Il se donne pour but de réguler les migrations spontanées, qui avaient été immenses entre Première Guerre mondiale, révolution, guerre civile et famine. Les objectifs en ce milieu des années 1920 sont bien économiques, destinés à peupler les terres de l’Est à partir des populations paysannes de l’Ouest. La collectivisation massive des exploitations paysannes engagée en 1929-1930 bouleverse ces objectifs. Les migrations spontanées de ceux qui fuient la violence contre les paysans explosent, et les migrations forcées des « paysans riches » organisées par les organes répressifs renforcent ces déplacements. Au milieu des années 1930, durant la période de la plus violente répression, le comité pansoviétique des migrations est placé sous la tutelle du NKVD. Déjà responsable de l’ensemble des déplacements forcés, il le devient pour les déplacements « volontaires ».



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