L’esthétique populiste by Matthias Kern

L’esthétique populiste by Matthias Kern

Auteur:Matthias Kern
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: De Gruyter
Publié: 2021-03-09T15:16:22.511000+00:00


Magneux partait maintenant tous les matins faire une courte promenade pour se refaire les jambes. Il avait une canne, et elle jurait bien un peu avec son accoutrement de charpentier. Il ne manquait que le mètre dans la poche droite…

Il revenait une demi-heure après, très fier, de bonne humeur.

Il était redevenu un homme. Un homme heureux.105

L’identité ouvrière et la masculinité sont profondément unies. Le travail – et même l’apparence d’être ouvrier – fait partie de son identité d’homme et seulement le travail manuel et l’exercice du métier confirment son identité masculine. De cette manière, Poulaille souligne que l’identité ouvrière est nécessairement dépendante d’un ordre patriarcal : l’ouvrier est seulement complet au moment où il se sent homme, dominant par sa force physique et par son autorité patriarcale complètement naturalisée par le point de vue de la narration. Afin d’y aboutir, l’ouvrier a cependant besoin du travail : seulement celui-ci le rend vraiment homme parce que son identité active s’inscrit dans son corps comme nous l’avons vu dans la description des mains de Costi.

La représentation de la situation injuste des ouvriers dans la société s’illustre donc à partir d’un paradoxe fondamental : alors que la narration souligne toujours la force des ouvriers, qui s’exprime le mieux dans l’autorité virile de Magneux, ils sortent chaque fois perdants de leurs combats. Un premier exemple en est le refus de l’assurance de payer le rétablissement de Magneux malgré la forte insistance des personnages du roman ; à plus large échelle, la révolte échouée des ouvriers, sur laquelle le roman se termine, en est un autre. Le cas de la famille Magneux figure donc dans le roman comme une métonymie de la situation ouvrière en général : représentés comme les véritables maîtres du monde, ils sont toutefois les victimes de la politique. La méfiance d’Henri Magneux face aux partis politiques se trouve justifiée, son anarcho-syndicalisme s’avère être la seule façon de libérer les ouvriers, mais la situation ne peut être changé pour l’instant.

L’avant-dernier chapitre du roman illustre cette situation. Dans ce chapitre, Poulaille dessine le panorama des actions autour de la grande manifestation du 1er mai 1906, qui, fortement marquée par la catastrophe minière à Courrières, devient un moment important de la revendication des droits ouvriers. Dans Le Pain quotidien, Poulaille prétend que les grèves autour du 1er mai auraient surtout pour origine la solidarité des branches ouvrières avec les mineurs du Nord alors que d’autres mobiles, notamment la lutte pour la journée de huit heures sont en vérité le point de départ de la forte mobilisation de tous les domaines du travail ouvrier.106 En recentrant l’attention sur la continuité des grèves minières qui se sont déjà arrêtées avant la fin d’avril, Poulaille met la lutte des ouvriers sous le signe de la solidarité, sujet central dans son portrait de la classe ouvrière.

Cette solidarité des ouvriers concerne cependant uniquement les hommes, étant donné que, d’une part, les femmes sont plus réticentes à voir un sens dans l’agitation politique et syndicale. Hortense Magneux est constamment préoccupée



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