Ce pays que tu ne connais pas by François Ruffin

Ce pays que tu ne connais pas by François Ruffin

Auteur:François Ruffin [Ruffin, François]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782711201297
Éditeur: Les Arènes
Publié: 2019-02-15T11:42:01+00:00


1,7 %, à la place. On est arrivé à ce chiffre, à l’écoute de France Inter. La direction venait, en 2014, de rayer « Là-bas si j’y suis » de sa grille, une émission rare, précieuse, qui tendait le micro aux Ingrid du pays, caissières, infirmières, etc. Et nous avions donc opéré un décompte, chrono en main : 18 minutes. 18 minutes sur 18 heures. 18 minutes sur 1080 minutes. Soit, donc, 1,7 %. Voilà le temps que France Inter consacrait aux ouvriers, employés, travailleurs, appelez-les comme vous voulez. Voilà ceux qui ne parlaient pas. Qui parlait à la place ? Les artistes (réalisateurs, acteurs, chanteurs) largement (3 heures 20). Les experts (politologues, psychologues, juristes) aussi (2 heures 20). Les patrons et leurs affidés (financiers, promoteurs, consultants) bien présents à leur tour (1 heure). Alors que les classes populaires représentent, d’après l’Insee, la majorité de la population, elles étaient marginalisées à l’antenne. Elles le sont toujours, et pas qu’à France Inter, le dernier « baromètre-diversité » du CSA en témoigne : « le conseil observe une quasi-absence des personnes en situation de précarité », etc. À l’inverse, « 88 % des personnes montrées dans les sujets d’information appartiennent aux CSP+ ». Et de conclure : « La représentation à l’antenne est très éloignée de la réalité. »

La même chose qu’à l’Assemblée : les ouvriers-employés comptent pour 2,7 % des députés. Quand les diplômés – médecins, avocats, DRH, consultants, enseignants, journalistes, etc. – trustent les sièges. Et ce Parlement se prétend « représentation nationale » ! C’est l’irreprésentation organisée… Étrange démocratie où la majorité est invisible. Où les Ingrid, les Zoubir, les Peggy sont éliminés de la photo.

C’est mon obsession, depuis vingt ans de Fakir : qu’on les voie. Qu’on les entende. Que la vie des grands n’éclipse pas la vie des gens. Que la politique, les médias, ne se réduisent pas à la « chronique du roi Macron », comme Saint-Simon fit celle de Louis XIV, avec les paysans absents bien sûr. Je m’efforce de les « représenter », comme on le dit pour une peinture, de les représenter dans des articles, dans des livres, dans des films, et c’est un titre qui me convient, aujourd’hui, « représentant de la Nation ». Dans l’hémicycle, je lutte avec mes petites histoires, d’une malade du cancer qui s’est fait couper le gaz (et Engie le rétablit). D’un contrôleur qui me récite une blague de Coluche : « Les technocrates, si on leur donnait le Sahara, dans cinq ans il faudrait qu’ils achètent du sable ailleurs. Eh bien, voilà, on a laissé la SNCF à des technocrates. C’était une superbe entreprise, ils nous l’ont bousillée. » D’une maman qui cherche une accompagnante pour son enfant autiste, et qui appelle un numéro vert, et qui le rappelle en vain. Ou, côté médias, j’emmène avec moi, sur le plateau d’« On n’est pas couchés » une salariée de Carrefour, chez Naulleau et Zemmour une retraitée qui mange de la « soupe et des biscottes le 15 du mois ».



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