La dénivelée - A l'épreuve de la photographie by Hubert Damisch

La dénivelée - A l'épreuve de la photographie by Hubert Damisch

Auteur:Hubert Damisch
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2018-06-14T16:00:00+00:00


5. Un lieu commun de la critique voudrait que son activité de décorateur de cinéma ait mal préparé Mallet-Stevens à travailler sur un site « réel ». Comme il aurait été mal préparé par sa pratique de dessinateur à affronter les contraintes fonctionnelles, sinon « fonctionnalistes », que lui aurait dictées Charles de Noailles : les images d’Une cité moderne, publié en 1922 avec une préface de Francis Jourdain, ont connu moins de suites dans l’espace bâti que dans la bande dessinée. Mais l’on ne peut qu’être frappé par l’embarras des critiques : un embarras que je qualifierai de « structural » pour ce qu’il révèle d’un dispositif qui ne répond pas à la donnée classique d’un « site ». Le problème, au vu de ces images, n’est en effet pas de savoir si Mallet-Stevens a ou non respecté le site. Il serait plutôt de mesurer comment et à quel point il en aura progressivement transformé la notion, au point d’inverser la donne : l’architecture n’a pas à s’intégrer à un site qui lui serait préexistant ; il lui appartient de le définir, de l’instaurer, de le constituer comme tel. Or c’est là ce à quoi Jacqueline Salmon se sera employée par les seuls moyens de la photographie, en procédant pour ainsi dire par défaut. Du site en question, elle ne propose, j’y insiste, aucune vue d’ensemble, à la différence des quelques plans très brefs, et comme mal assurés, fugitifs, presque « tremblés », des Mystères du Château du Dé qui montraient la villa établie en contrebas du « casteou », le vieux château d’Hyères ou ce qu’il en reste, rasé qu’il fut sous Louis XIII : un mur d’enceinte flanqué de quelques tours (mais c’est qu’il s’agissait pour Man Ray de marquer, sans trop y insister, comme pour mémoire, la relation entre le château médiéval et son « rejeton en béton armé » : le prisme vertical dans lequel est pris l’escalier faisant écho aux tours du « casteou », comme l’écran percé de baies érigé sur le pourtour de la terrasse à ses murailles). Réduite qu’elle est à une suite de vues perspectives qui s’inscrivent dans les limites de l’espace bâti de la villa et de ses jardins, l’image que Jacqueline Salmon offre du lieu n’en prend que plus de relief.

Si l’on doit en croire Léon Deshairs, le programme assigné au départ à Mallet-Stevens consistait en trois points : (a) s’adapter parfaitement au terrain, (b) ne rien perdre de la vue, et (c) s’imprégner d’air et de lumière. A quoi l’architecte aurait satisfait en respectant l’étagement des lieux et en tirant parti de la disposition des quelques restes d’une abbaye cistercienne pour concevoir une suite de terrasses en gradins qui s’articulaient autour d’un bâtiment en longueur dont la façade était orientée au midi, le tout agrémenté de larges ouvertures donnant sur les toits de la vieille ville, la presqu’île de Giens et les îles de Porquerolles et Port-Cros. Le critique feignait ici d’ignorer que, le programme allant s’étendant



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