L'Éducation Sentimentale by Gustave Flaubert

L'Éducation Sentimentale by Gustave Flaubert

Auteur:Gustave Flaubert
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Books on Demand
Publié: 2019-01-15T00:00:00+00:00


Chapitre 5

Deslauriers avait emporté de chez Frédéric la copie de l’acte de subrogation 188, avec une procuration en bonne forme lui conférant de pleins pouvoirs ; mais, quand il eut remonté ses cinq étages, et qu’il fut seul, au milieu de son triste cabinet, dans son fauteuil de basane, la vue du papier timbré l’écoeura.

Il était las de ces choses, et des restaurants à trente-deux sous, des voyages en omnibus, de sa misère, de ses efforts. Il reprit les paperasses ; d’autres se trouvaient à côté ; c’étaient les prospectus de la compagnie houillère avec la liste des mines et le détail de leur contenance, Frédéric lui ayant laissé tout cela pour avoir dessus son opinion.

Une idée lui vint : celle de se présenter chez M. Dambreuse, et de demander la place de secrétaire. Cette Place, bien sûr, n’allait pas sans l’achat d’un certain nombre d’actions. Il reconnut la folie de son projet et se dit :

« Oh non ! ce serait mal. »

Alors, il chercha comment s’y prendre pour recouvrer les quinze mille francs. Une pareille somme n’était rien pour Frédéric ! Mais, s’il l’avait eue, lui, quel levier ! Et l’ancien clerc s’indigna que la fortune de l’autre fût grande.

« Il en fait un usage pitoyable. C’est un égoïste. Eh je me moque bien de ses quinze mille francs ! »

Pourquoi les avait-il Prêtés ? Pour les beaux yeux de Mme Arnoux. Elle était sa maîtresse ! Deslauriers n’en doutait pas. » Voilà une chose de plus à quoi sert l’argent ! » Des pensées haineuses l’envahirent.

Puis, il songea à la personne même de Frédéric. Elle avait toujours exercé sur lui un charme presque féminin ; et il arriva bientôt à l’admirer pour un succès dont il se reconnaissait incapable.

Cependant, est-ce que la volonté n’était pas l’élément capital des entreprises ? et, puisque avec elle on triomphe de tout…

« Ah ! ce serait drôle ! »

Mais il eut honte de cette perfidie, et, une minute après :

« Bah ! est-ce que j’ai peur ? »

Mme Arnoux (à force d’en entendre parler) avait fini par se peindre dans son imagination extraordinairement. La persistance de cet amour l’irritait comme un problème. Son austérité un peu théâtrale l’ennuyait maintenant. D’ailleurs, la femme du monde (ou ce qu’il jugeait telle) éblouissait l’avocat comme le symbole et le résumé de mille plaisirs inconnus. Pauvre, il convoitait le luxe sous sa forme la plus claire.

« Après tout, quand il se fâcherait, tant pis ! Il s’est trop mal comporté envers moi, pour que je me gêne ! Rien ne m’assure qu’elle est sa maîtresse ! Il me l’a nié. Donc, je suis libre ! »

Le désir de cette démarche ne le quitta plus. C’était une épreuve de ses forces qu’il voulait faire ; — si bien qu’un jour, tout à coup, il vernit lui-même ses bottes, acheta des gants blancs, et se mit en route, se substituant à Frédéric et s’imaginant presque être lui, par une singulière évolution intellectuelle, où il y avait à la fois de la vengeance et de la sympathie, de l’imitation et de l’audace.



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