L'École des soignantes by Winckler Martin

L'École des soignantes by Winckler Martin

Auteur:Winckler, Martin [Winckler, Martin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
ISBN: 9782818045398
Éditeur: POL Editeur
Publié: 2019-03-07T00:00:00+00:00


TALENTS

Comme tout le monde, j’ai été abreuvé de films dans lesquels les femmes accouchent en hurlant. À l’École, rien n’est plus éloigné de la réalité. Au forum de naissance comme au pôle Psycho, j’ai entendu souvent les femmes rire et chanter. À Tourmens, dès qu’elles se savent enceintes et décident de mener leur grossesse à terme, les femmes sont soutenues et informées, rassurées et encouragées. Quand elles se sentent bien, les examens sont réduits au strict minimum, et ceux qui sont proposés le sont toujours d’après leurs perceptions. En quinze ans, les chercheuses en maïeutique du pôle ont réduit radicalement les complications de la grossesse et les risques de l’accouchement en traitant par exemple les vomissements gravidiques par les vaporettes de cannabinoïdes, les contractions du sixième mois par autohypnose et les hémorragies de la délivrance par un hémostatique extrait de la pomme.

Grossesse et accouchement sont encore des expériences empreintes de gravité, mais la sérénité des femmes est, de l’avis des soignantes les plus anciennes, infiniment plus grande qu’autrefois. « Ce qui fait de la plupart des accouchements un grand moment de joie, me disait Betty, c’est la liberté qu’ont les femmes de mettre leurs enfants au monde comme elles l’entendent, seule ou entourée, dans l’eau ou sur un “nid”, en plein jour ou sous un ciel étoilé – mais toujours soutenues et entourées, à l’abri des verrières fumées du pôle… » Laura, la fille de Betty et Joséphine, était née bien avant la Réforme, dans des conditions scandaleuses (l’obstétricien avait failli tuer le bébé et la mère). Si elle décidait de porter un enfant, elle pourrait le faire en toute quiétude et ça les réconfortait.

*

Au pôle Psycho, ce n’est pas triste non plus. J’entends sans arrêt soignées et soignantes rire et plaisanter, raconter des histoires drôles, se moquer d’elles-mêmes, de la maladie et des folles du dehors. Et c’est contagieux, semble-t-il : je me mets à rire aux éclats, moi aussi, sans comprendre toujours pourquoi. Et je me suis remis aux claquettes.

J’avais rangé les chaussures à la mort de Data. Quelques semaines après avoir commencé ma formation de soignante pro, je me suis remis à danser sur le carrelage de ma kitchenette ; les liens que j’avais tissés avec Betty y étaient certainement pour quelque chose. Quand elle est morte, de nouveau, les chaussures sont retournées au placard.

Et puis, quelques jours après avoir commencé en Psycho, j’ai ressorti mes chaussures de leur sac, je me suis remis à taper du pied dans ma cuisine, puis à faire des stomps dans les couloirs du Château, des shuffles dans les escaliers, des sidesteps dans la salle de réunion, du shim-sham à la cafétéria. Quand des regards me surprennent, je m’arrête en rougissant, car je n’aime pas me donner en spectacle, mais c’est plus fort que moi.

*

Une fois par mois, les soignées et soignantes du pôle Psycho organisent une fête, pour l’anniversaire de l’une, l’arrivée ou le départ d’une autre, ou n’importe quel prétexte. La prochaine doit avoir lieu la troisième semaine suivant mon arrivée.



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