La Vie des Bêtes : Psychologie animale by Louis Pergaud

La Vie des Bêtes : Psychologie animale by Louis Pergaud

Auteur:Louis Pergaud
La langue: fra
Format: mobi, epub
Tags: Nouvelles/Animaux
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2017-03-05T23:00:00+00:00


LEURS JEUX

Il convient tout d’abord de limiter un peu ce vaste sujet, car, à bien regarder, sauf pour les domestiques que l’homme courbe sous un joug plus ou moins doré, tout dans la vie de l’animal n’est que jeu, puisque, ne connaissant pas la contrainte, la plupart des actes qu’il accomplit, soit pour conquérir sa nourriture, soit pour assurer la continuation de l’espèce, se réalisent dans la joie.

Les préparatifs de combat, les tactiques de guerre et de fuite, au même titre que les parades nuptiales et ce qui s’ensuit, recèlent une volupté d’autant plus âpre qu’ils réclament une tension plus complète des forces vives de la bête : de ses muscles comme de ses nerfs.

La multiplicité des postures, des mimiques, des chants ou des cris que le mâle ou la femelle invente, selon que c’est l’un ou l’autre qui sollicite l’hommage, fournirait matière à un gros volume, mais ce n’est point de ces travaux-là non plus qu’il est question. Le jeu pour le jeu existe de la même façon que certains artistes ont conçu l’art pour l’art, et c’est de celui-là qui ne vise ou plutôt qui ne semble viser à aucun but utilitaire et pratique immédiat, dont les fins et les raisons paraissent la plupart du temps inconnues du sujet lui-même, que je voudrais m’occuper.

Considéré à ce point de vue, le jeu est surtout l’apanage de la jeunesse : tous s’y adonnent, le chat et le chien, les petits lapins comme les jeunes veaux, les gracieux cabris comme les poulains piaffeurs. Ce n’est d’ailleurs, au début, que du mouvement plus ou moins réglé, sans but, sans motif. Un chien passe, et le poulain se met à tourner en hennissant autour de sa mère jument ; un homme s’arrête, et le petit veau qui rêvait placidement saute tout à coup des quatre pieds : besoin de mouvement, soif d’activité, démangeaison des muscles en croissance, poussée du sang chaud qui irrigue à plein trou les artères.

Chez les herbivores domestiques, en particulier, tout semble incohérent, aucune combinaison, aucune règle ne décèle que l’animal agit en vue de quelque but obscur ou clair ; mais si l’on s’élève jusqu’au chat et jusqu’au chien, l’acte apparaît alors bien plus intéressant, car les jeux de la bête deviennent comme une simulation réduite de son activité future.

De même que l’enfant joue au soldat ou au brigand, le jeune chien se prépare, dès que lui poussent les premières dents, à ses pillages et à ses carnages futurs ; quand il emporte dans sa gueule un vieux soulier, n’a-t-il pas déjà la dignité grave du chasseur victorieux qui rentre dans ses foyers ? Quand il met en pièces une vieille chaussette, n’y met-il pas l’acharnement que l’on retrouvera plus tard chez le farouche déchiqueteur de lièvres ?

Le petit chat anime ses joujoux : un bouchon n’est plus un simple objet qui roule, c’est un être vivant qu’il attrape, lance au loin, rattrape, abandonne, guette sans en avoir l’air, pour se donner le plaisir de le surprendre et de le serrer à nouveau dans l’étau de sa mâchoire ou entre les pointes de ses griffes.



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