La vie automatique by Oster Christian

La vie automatique by Oster Christian

Auteur:Oster, Christian [Oster, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Au demeurant, je n’avais rien contre le Japon. Ce qui m’a interrogé davantage, par la suite, ça été le trajet. Je ne m’étais pas préparé à passer douze heures en avion. Ni à débarquer douze heures plus tard quelque part où il serait sept heures plus tard. Je n’avais pas de lecture. Je commençais à avoir faim. Je me sentais coincé dans mon siège. Du reste, je l’étais. L’avion a commencé à rouler. Je n’ai jamais aimé décoller. Ni l’avion. Une fois en l’air, je me suis senti comme effacé. Ça me convenait mais, en dépit de la lenteur apparente de l’appareil, j’avais l’impression de me diriger rapidement vers un vide. Les logogrammes en quoi était rédigée la version originale des consignes de sécurité à la base du dossier dont l’arrière me faisait face contribuaient à cette impression, figuraient une forme de non-sens. Je me sentais non pas désorienté, mais indéfini. Je tombais dans un trou qu’au contraire de l’ancien j’eusse peiné à m’approprier. Je n’essayais pas, occupé que j’étais à estimer mes chances de demeurer hors de vue de Charles. Bien que je n’aime pas non plus le champagne, j’ai laissé le steward déposer sur ma tablette un verre de champagne. J’en ai bu une gorgée. J’ai pu bientôt envisager de déjeuner. Le menu européen m’a paru comporter beaucoup de viande, j’ai pris l’autre. J’ai tenté d’analyser le contenu d’une multitude de petits bols. Les saveurs me convenaient, mais je manquais de concentration, j’ai regardé un film, j’en manquais aussi. Au bout de deux heures de vol, j’ai commencé à trouver le temps long. J’ai pris celui d’approfondir la question de savoir pourquoi Charles partait au Japon. Et pourquoi maintenant ? Je me suis demandé s’il ne s’agissait pas là de la raison pour laquelle il avait été interné. Une sorte de tropisme, en somme. Quelque chose comme du japonisme. La manie, à tout moment, et de façon parfaitement inopinée, de s’envoler pour le Japon. Réflexe onéreux, pathologie lourde. Et moi ?

Des gens ont commencé à arpenter les travées. De petits encombrements se créaient, au milieu desquels je redoutais de voir Charles. J’ai regardé sur mon écran un deuxième film américain peuplé d’acteurs méconnus. Ça m’a peiné. Le long métrage en outre était mauvais, et les acteurs parlaient vite, je veux dire qu’ils servaient des dialogues touffus, bourrés d’informations techniques et d’allusions en demi-teinte, le tout avec une célérité confondante après laquelle couraient les sous-titres. De temps à autre, je quittais le film pour suivre la trajectoire de l’avion sur le planisphère de l’écran. Quand je me suis rendu compte qu’on survolait la Russie, c’est resté abstrait. Le vrai morceau de ciel que j’apercevais dans le hublot pouvait être de partout. J’ai fini par voir Charles. La main en visière, je me suis tassé dans mon siège. Il était passé, me tournait le dos, comme s’il échappait à ma surveillance. Toujours son bonnet sur la tête. Il semblait absolument libre, autonome. Eût-il su que je le surveillais que j’eusse eu la sensation d’avoir davantage de prise sur lui.



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