La Terre qui meurt by René Bazin

La Terre qui meurt by René Bazin

Auteur:René Bazin [Bazin, René]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-06-04T04:00:00+00:00


IX

LA VIGNE ARRACHÉE

André s’ennuyait, et, déçu dans la joie du retour, n’aimait plus la Fromentière nouvelle comme il avait aimé l’ancienne.

Elle avait tant changé ! Il l’avait connue animée par le bruit et le travail d’une famille nombreuse et unie, dirigée par un homme dont l’âge avait respecté la vigueur et la gaieté même, servie par plus de bras qu’elle n’en demandait, aveuglément chérie et défendue, comme les nids qu’on n’a point encore quittés. Il la retrouvait méconnaissable. Deux des enfants s’étaient enfuis, laissant la maison triste, le père inconsolé, la tâche trop lourde aussi pour ceux qui restaient. Rousille s’épuisait. André sentait bien qu’il ne suffirait pas pour entretenir la Fromentière en bon état de culture, pour l’améliorer surtout, comme il l’avait médité si souvent de le faire, lorsqu’on Afrique, pendant les nuits chaudes où l’on ne dort pas, il songeait aux ormeaux de chez lui. Il eût fallu au moins deux hommes jeunes et forts, sans compter l’aide du valet : il eût fallu François auprès d’André !

Celui-ci luttait contre le découragement qui l’envahissait, car il était brave. Chaque matin, il partait pour les champs avec la résolution de tant travailler que toute autre pensée lui serait impossible. Et il labourait, hersait, semait, ou bien il creusait des fossés, ou plantait des pommiers, sans prendre de repos, avec tout son courage et tout son cœur. Mais toujours le souvenir de François lui revenait ; toujours le sentiment de la déchéance de la métairie. Les journées étaient longues, dans la solitude ; plus encore à côté du nouveau valet, manœuvre indifférent, que les projets ni les regrets de ce fils de métayer ne pouvaient intéresser. Le soir, quand André rentrait, à qui se serait-il confié et qui l’eût consolé ? la mère n’était plus là ; le père avait trop de peine déjà à garder lui-même ce qu’il faut d’espérance et de vaillance pour ne pas plier sous le malheur ; Mathurin était si peu sûr et si aigri, que la pitié pouvait aller à lui, mais non l’affection vraie. Il y aurait eu Rousille peut-être. Mais Rousille avait dix-sept ans quand André l’avait quittée. Il continuait de la traiter en enfant, et ne lui disait rien. D’ailleurs, c’est à peine si on la voyait passer, la petite, toujours préoccupée et courant. Morne maison ! Le jeune homme y souffrait d’autant plus qu’il sortait du régiment, où la vie était dure sans doute, mais si pleine de mouvement et d’entrain !

Les semaines s’écoulaient et l’ennui ne cédait pas.

Fatigué de ce repliement sur soi-même, André peu à peu laissa son esprit s’écarter hors du monde douloureux où il s’efforçait vainement de reconnaître la maison de sa jeunesse. Il était comme ces paysans des côtes, travailleurs taciturnes qui regardent la mer par-dessus les dunes, et que tourmente un peu de songe quand le vent souffle. Triste et touché par le malheur, il se rappela la science lamentable qu’il avait acquise au loin : il pensa qu’on peut vivre ailleurs qu’à la Fromentière, au bord du Marais de Vendée.



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