La terre demeure by Stewart George Rippey

La terre demeure by Stewart George Rippey

Auteur:Stewart, George Rippey [STEWART, George Rippey]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Américaine, SF
Éditeur: benhenda89 - FRBoarD
Publié: 1949-07-31T23:00:00+00:00


CHAPITRE III

Quand il s’éveilla le lendemain matin, Em était déjà levée. Il resta immobile, reposé, calme et heureux. Puis, brusquement, son esprit reprit son activité et recommença à faire des plans et à réfléchir.

Au bout d’une minute, une légère irritation s’empara de lui. « Tu penses trop », se dit-il.

Pourquoi son esprit, comme celui des autres, ne lui permettait-il pas de se reposer et d’être heureux sans se tourmenter de l’avenir et imaginer ce qui se passerait dans vingt-quatre heures ou dans vingt-quatre ans ? Pourquoi ne pouvait-il goûter soixante secondes de tranquillité ? Non, il était emporté dans un éternel tourbillon ; même si son corps demeurait paisible, son esprit tournait et retournait comme un moteur au ralenti. Un moteur ? C’était justement le jour de penser aux moteurs.

Mais ce calme bonheur entre la veille et le sommeil s’était évanoui ; éteinte aussi cette impression de contentement. D’un geste irrité, il rejeta les couvertures.

La matinée était claire et ensoleillée. Malgré la fraîcheur de l’air, il sortit sur le petit balcon et y resta, les yeux vers l’ouest. Au cours de toutes ces années, partout les arbres avaient grandi, mais il apercevait encore le sommet de la montagne et une grande partie du golfe avec ses deux ponts.

Les ponts ! oui, les ponts ! Ils étaient à ses yeux la plus poignante relique du passé. Pour les enfants, les ponts n’avaient pas plus de prestige que les montagnes ou les arbres ; ils étaient là, c’était tout. Mais pour lui, Ish, les ponts étaient les témoins de la puissance et de la gloire de la civilisation morte. Ainsi, jadis, un barbare, Burgonde ou Saxon, contemplait un portail romain ou un arc de triomphe défiant le temps.

Non, l’analogie était inexacte. Le barbare avait ses traditions à lui et s’en contentait ; il était maître d’un empire qu’il avait créé. Ish ressemblait plutôt au dernier survivant du monde romain – sénateur ou philosophe – épargné par les glaives barbares, méditant sur les ruines d’une cité vide, anxieux et indécis, car il savait que jamais plus il ne retrouverait ses amis aux bains, ni ne verrait défiler dans les rues une des cohortes de Douze qui assuraient sa sécurité. Mais non, il ne ressemblait pas au Romain non plus.

« L’histoire se répète, pensa-t-il, mais toujours avec des variantes. »

Oui, il avait eu raison de faire des rapprochements avec le passé. Les répétitions n’étaient pas celles d’un enfant obtus qui récite d’un bout à l’autre sa table de multiplication. L’histoire, en artiste, garde l’idée, mais change les détails comme un compositeur qui varie le même thème, le murmure en mineur, le monte d’une octave, le fait gémir sur les violons, ou lui donne l’accent éclatant des trompettes.

Il était debout en pyjama sur le petit balcon et une brise fraîche caressait son front. Il l’aspira à pleins poumons et se rendit compte que l’odeur même de l’atmosphère avait changé. Dans l’ancien temps, sans qu’on y prit garde, l’odeur caractéristique de la ville était un mélange d’exhalaisons d’essence, de relents de cuisine, d’ordures, de sueur humaine.



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