La tabatière en or by Anne Bernard-Lenoir

Auteur:Anne Bernard-Lenoir
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: La Courte éChelle
Publié: 2011-11-01T00:00:00+00:00

8

Chez le juge

Lorsque je me réveillai, la tente était déserte. Je me vêtis en vitesse, enfilai ma besace en bandoulière et sortis de la maisonnette en toile. Assis en tailleur près du feu sur lequel une théière chauffait, Ti-Khuan sirotait un bol de thé. Il faisait grand jour. Le campement semblait inanimé, les ouvriers chinois étant déjà partis travailler sur le chantier de construction de la voie ferrée.

— Salut, Ti-Khuan.

Mon ami me salua d’un signe de tête. Je pris place à ses côtés. Il m’offrit du thé et des galettes de riz sucré. Le soleil était éclatant, et les oiseaux de la forêt chantaient à tue-tête. Pas un nuage n’encombrait le ciel.

— Il est sept heures trente, déclara Ti-Khuan, anxieux. On doit rencontrer le juge le plus vite possible. Je n’arrête pas de penser à cette histoire de tabatière et à ce qui t’arrive. C’est peut-être très dangereux, Luke !

— On partira dès que je me serai débarbouillé dans la rivière et qu’on aura fait boire nos chevaux, c’est promis, lui dis-je en croquant dans une galette. Il faudra passer à la cabane des contremaîtres pour prévenir Bobby que je ne pourrai pas travailler ce matin.

Rassuré au sujet de mes intentions, Ti-Khuan hocha la tête.

* * *

Le juge Morgan était un ami du photographe pour lequel Ti-Khuan travaillait. Nous l’avions déjà rencontré. Il habitait au dernier étage de l’hôtel situé en face du poste de la police montée.

Jason Morgan était chargé de faire respecter la loi dans la région et avait bonne réputation. Nous le trouvâmes assis devant son bureau recouvert de cuir, en train de griffonner des notes dans un calepin. Je le reconnus sans peine. Il était plutôt rond, dans la soixantaine et presque chauve. Il portait des lunettes carrées ainsi qu’une longue barbe blanche.

— Tiens, tiens ! s’exclama-t-il en nous aper-

cevant. Ti-Khuan Wu et Luke MacAllan ! Quel bon vent vous amène, les garçons ?

Après l’avoir salué, je lui expliquai notre mésaventure et lui parlai de la tabatière en or, de la fente et de la déchirure observées dans l’enveloppe envoyée par Mortimer Neeson, du méfait commis contre moi dans le baraquement des arpenteurs, la veille, et de mes soupçons concernant Chuck Wood, dit La Marmotte.

Morgan parut songeur. En m’écoutant, il avait lâché sa plume et s’était mis à tripoter la montre à gousset qui pendait à son veston. Il s’agissait d’une sorte de manie chez lui.

Je sortis de ma besace la lettre de Neeson, ainsi que la tabatière et l’enveloppe trouée, pour les lui montrer. Morgan se leva et vint vers moi. Il jeta un coup d’œil sur la lettre, examina le paquet et reconnut la petite boîte en or rayée ornée de son ancre et de son drapeau. Selon lui, aucun doute n’était possible : il s’agissait de la tabatière écossaise dont Kinder avait affiché le dessin et la

description dans sa vitrine six mois auparavant. Il me remit les objets et retourna s’asseoir.

— Luke, je te conseille d’aller vite rapporter cette tabatière à son propriétaire, déclara-t-il en me fixant de ses yeux perçants.

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