La secrète mélancolie des marionnettes by Denis Grozdanovitch

La secrète mélancolie des marionnettes by Denis Grozdanovitch

Auteur:Denis Grozdanovitch
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions de l'Olivier


19

Je prenais mon petit déjeuner dans la cuisine de la tour, à Santa Donatella, lorsque le téléphone sonna. C’était Roberto qui m’informait qu’il nous invitait tous, samedi prochain, à un spectacle de marionnettes de sa composition ; un spectacle qu’il avait écrit spécialement en français pour contenter tout le monde et pour lequel, en outre, il avait imaginé et fabriqué de toutes pièces quelques personnages nouveaux. La séance aurait lieu dans l’ancien théâtre désaffecté du palais des Lungharini, les parents d’Emilio. Pouvais-je prévenir les autres et savoir si la date leur convenait ? Auquel cas, nous avions tous rendez-vous devant la cabane d’Emilio à huit heures du soir, pour ensuite remonter jusqu’au palais qui n’était pas facile d’accès. Par ailleurs, je pouvais amener qui je voulais, excepté des gens trop attachés aux dures lois du réel, ainsi que j’avais dû le comprendre, conclut-il en riant.

Le samedi suivant, nous étions une petite troupe assez excitée par cet événement insolite, assemblée dans le jardinet d’Emilio : Silvina, en train de commenter ses anciennes relations avec la famille Lungharini, les trois autres écrivains, Graziella, le Dottore Luigi, docilement disposé à remiser son « réel » en coulisses, Stella que j’avais réussi à prévenir, Mario le voisin, accompagné de deux de ses fils et de sa fille, et Emilio, bien sûr, qui avait fait venir trois de ses neveux et nièces, plus quelques-uns de ses autres voisins qu’il nous présenta. En tout, nous étions une vingtaine à bavarder devant le cabanon d’Emilio, lequel s’activait à rassembler diverses lampes, indispensables, nous répéta-t-il, pour circuler dans le palais privé d’électricité où Roberto nous attendait en compagnie de ses élèves qui allaient participer au spectacle.

Lorsque Emilio eut amassé suffisamment de lampes électriques et de lampes à pétrole (Mario et l’un de ses fils transportaient, pour leur part, une caisse de grands cierges d’église), nous commençâmes, environnés des ombres du crépuscule, de remonter une allée encombrée de branches basses et d’herbes folles où nous dûmes tant bien que mal nous frayer un passage. Cette allée, longue de plus de cinq cents mètres, traversait l’ancien parc retourné à l’état semi-sauvage. On apercevait tour à tour de grands arbres écroulés et pourrissants, des vestiges d’allées envahies d’orties menant aux ruines de kiosques mouchetés de lichens et, disséminées çà et là, diverses statues rongées par les intempéries. Enfin nous débouchâmes sur une esplanade réinvestie par la végétation où l’on devinait la présence d’une ancienne allée conduisant à un bassin empli d’une eau verdâtre à moitié recouverte d’un tapis de lentilles d’eau. De grands roseaux indolents avaient poussé sur les bords, se balançant dans la brise du soir. Au centre de ce bassin, une déesse en partie dénudée, juchée sur un char tiré par un groupe de chevaux moussus, s’élançait avec fougue vers de nobles idéaux. Nous restâmes quelques minutes à contempler ce vestige de l’ancienne splendeur des princes Lungharini, puis nous nous avançâmes vers la masse imposante du palazzo déjà plongé dans l’ombre. Contournant le monumental escalier central menant à une



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