La révolution en débat by François Furet

La révolution en débat by François Furet

Auteur:François Furet
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782072469442-70839
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2013-07-14T16:00:00+00:00


Rupture absolutiste, rupture avec l'absolutisme

Trait d'autant plus intériorisé, en effet, dans la conscience nationale, qu'il étend dans l'avenir la tabula rasa révolutionnaire et qu'il en reconduit l'émotion au bénéfice des générations du XIXe et du XXe siècle. Mais il en prolonge du même coup le caractère fictif, en cachant la relation de la Révolution avec le passé d'où elle est sortie, c'est-à-dire l'absolutisme. Alors que les Anglo-Américains ont formé par leur exode un peuple neuf, les Français de la fin du XVIIIe siècle, obsédés par la passion de se séparer de leur passé, ont été condamnés à ignorer que cette passion collective de rupture était elle-même un legs de ce passé : la destruction de l'ancienne Constitution du royaume avait été l'œuvre de l'absolutisme avant que les hommes de 1789 n'en fassent la proclamation solennelle pour en faire le point de départ et le principe d'une régénération. Les révolutions, a écrit Guizot, « sont bien moins le symptôme de ce qui commence que la déclaration de ce qui s'est passé avant elles ». Vues sous cet angle, les deux révolutions de la fin du XVIIIe siècle, l'américaine et la française, sont les filles de deux révolutions préalables. Mais la première est un redoublement de la sortie d'Angleterre au nom de la liberté individuelle. La seconde succède à la subversion de l'ordre traditionnel par la monarchie administrative : subversion qu'elle s'approprie et qu'elle achève, à travers la proclamation de la table rase, avant d'en mesurer le poids dans la reconstruction d'un corps politique. Mais les échecs qu'elle rencontre dans cette entreprise même font constamment renaître l'idée du recommencement absolu : si celle-ci n'a pu aboutir en 1789, ou en 1791, il n'est que de la reprendre en 1792, ou en 1793. La conscience révolutionnaire à la française mêle à la représentation du temps comme malédiction la réduction du temps à l'image d'une aurore.

Elle est ainsi vierge de toute référence à une restauration, pour ne rien dire d'un retour à un âge d'or. Elle est constituée très tôt, en même temps que celle d'« Ancien Régime », son envers, comme une promesse universelle ouverte sur un avenir illimité. En ce sens, comme l'a écrit Michelet pour caractériser l'esprit de 1789, « le temps n'existait plus, le temps avait péri ». Pourtant, cette conjuration fictive d'un passé maudit ne dispense pas la Révolution française d'être aussi, à son tour, une histoire, constamment jugée à l'aune de cette promesse, donc constamment soumise à la nécessité d'en reprendre à frais nouveaux la réalisation. L'idée américaine de révolution a comporté son propre accomplissement dans la fondation d'une République indépendante, par les Constitutions des États et la Constitution fédérale de 1787. L'idée française de révolution passe d'une phase à l'autre de l'histoire révolutionnaire, en quête d'un accomplissement qu'elle n'atteint jamais.

Dans les faits, pourtant, quelque chose a été accompli très tôt, et de manière abrupte, complète, irréversible. Dans la nuit fameuse du 4 août 1789, les députés ont « détruit » ce qu'ils ont appelé « le régime féodal » ou « la féodalité ».



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