La promenade des Russes by Olmi Véronique

La promenade des Russes by Olmi Véronique

Auteur:Olmi,Véronique [Olmi,Véronique]
La langue: eng
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: Grasset
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Monsieur Tara a mis du temps à m'ouvrir, j'ai sonné plusieurs fois mais la musique à fond couvrait même les aboiements acharnés de Mimine, et puis entre deux morceaux, dans le petit intervalle silencieux, il m'a entendue. C'est bien la première fois que je vois quelqu'un avoir peur de moi. Il m'a regardée, mais pas de haut comme à son habitude, il m'a regardée avec le même air ahuri que mon père le jour où je lui ai demandé s'il pouvait me garder avec lui quand maman mettait les voiles, le regard qui dit que vous ne collez absolument pas dans le décor et que rien que de vous avoir en face est déjà une super mauvaise nouvelle. Je ne pensais pas déranger monsieur Tara à ce point-là. Pendant qu'il me regardait en silence avec l'air de celui qui vient de se prendre les doigts dans la porte, la musique a repris et ça l'a mis dans un état proche de la panique. C'était une musique langoureuse, une musique de charmeur de serpents, de films dangereux dans le désert, une voix de femme par-dessus les violons et les flûtes, il s'est rué sur le pick-up pour l'éteindre en disant : « Ah la nostalgie ! La nostalgie ! » et j'étais heureuse d'apprendre que ça n'appartenait pas qu'aux Russes. J'ai jeté un coup d'œil chez lui, on n'aurait pas dit qu'on vivait dans le même immeuble lui et moi, rien n'était pareil. Je m'étais toujours imaginé que chez les voisins c'était comme chez nous, les mêmes meubles aux mêmes endroits, les icônes dans un coin, la télé dans le salon et les magazines historiques à portée de main. Je ne savais pas qu'on pouvait clouer des tapis au mur ni même s'asseoir sur des coussins si bas autour d'une table à ras du sol, couverte de cendriers de toutes les couleurs. Ça ne sentait pas pareil non plus. Ça sentait le cuir et la menthe, le chien, et l'eau de Cologne de monsieur Tara par-dessus tout ça, ça faisait beaucoup d'odeurs pour un si petit appartement mais chez lui tout se superposait, c'était plein comme un œuf, à se demander comment il faisait pour respirer.

– Vous êtes arabe? j'ai demandé sans trop y croire, vu qu'il est blanc comme un linge et professeur de diction.

Il a eu un demi-sourire un peu supérieur et un peu triste en même temps, et moi comme une idiote j'ai enchaîné :

– Non mais vous n'êtes pas obligé de me répondre, et puis subitement l'inquiétude est revenue à propos de Babouchka que j'avais oubliée trois secondes à cause du dépaysement provoqué par cet appartement sarrazin.

– Je suis pied-noir jeune fille, il a dit en reprenant son air hautain et en réajustant aussi sec son foulard bordeaux.

– Ah..., j'ai fait sans conviction.

– Comment va mémé ?

Je l'ai regardé bien en face avec concentration, une sorte de regard « sérum de vérité » pour voir s'il n'était vraiment pas au courant, mais je ne sentais rien et



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