La Porte by Szabo Magda

La Porte by Szabo Magda

Auteur:Szabo, Magda [Szabo, Magda]
La langue: fra
Format: epub
Tags: S
ISBN: 9782878586909
Éditeur: Viviane Hamy
Publié: 2005-01-16T23:00:00+00:00


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1 János Arany (1817-1882), Sándor Petöfi (1823-1849), grands poètes hongrois.

2 Poème de Petöfi.

Tournage

Quand j’étais étudiante, je détestais Schopenhauer, plus tard j’ai compris que je devais retenir de sa théorie, que toute relation sentimentale est une possibilité d’agression, plus je laisse de gens m’approcher, plus il y a de voies par lesquelles le danger peut m’atteindre. Il ne me fut pas facile d’admettre que je devais en plus compter avec Emerence, son existence était devenue une des composantes de ma vie, et au début, je fus épouvantée à l’idée de la perdre si je lui survivais, ce qui augmenterait la cohorte des ombres dont la présence immanente et insaisissable me bouleverse et me plonge dans le désespoir.

Cette prise de conscience ne fut en rien modifiée par le comportement d’Emerence qui variait selon un nombre incalculable de clés, elle me rabrouait parfois avec une telle rudesse qu’un étranger, témoin de ces scènes, se serait demandé comment je le tolérais. Cela ne me faisait rien, depuis longtemps je ne faisais plus attention aux séismes qui l’agitaient en surface, elle avait dû faire la même découverte, et elle avait beau ne plus vouloir risquer son cœur à l’instar du capitaine Butler, elle ne pouvait davantage échapper à son attachement pour moi. Quand j’étais malade, elle me soignait tant que mon mari n’était pas rentré du travail, je n’ai jamais pu lui rendre le même service, parce que Emerence n’a jamais été malade, elle ne prêtait pas la moindre attention aux accidents survenus dans la cuisine ou au cours de son travail, le jour où elle s’était renversé de l’huile bouillante sur la jambe, ou entaillé la main avec le couteau à viande, elle n’avait pas dit un mot et s’était soignée avec ses remèdes de bonne femme. Emerence n’avait aucune considération pour ceux qui se plaignent. Par la suite, elle n’eut plus besoin de raison ou de prétexte pour venir chez nous, sans avoir besoin de le dire nous savions toutes deux que nous aimions être ensemble. Quand nous étions seules, si nous avions le temps, nous bavardions. Comme par le passé, je ne parvins à lui faire lire aucun de mes écrits, mais à présent elle n’était plus indifférente si un de mes romans était mal accueilli, elle ressentait la houle des attaques que la politique littéraire dirigeait contre moi, s’emportait contre la critique qui la mettait d’une humeur massacrante, elle me demanda même un jour si elle ne devait pas dénoncer l’auteur d’un article au lieutenant-colonel. C’est en vain que je tentais de la calmer, elle était furieuse, emplie de haine. À présent, elle ne refusait plus de considérer mes travaux comme une sorte de performance, et si elle ne les a jamais jugés totalement valables, elle s’était forgé une idéologie qui lui permettait de ne pas les rejeter : l’écriture était une occupation comparable au jeu que les enfants prennent au sérieux, et bien que rien d’essentiel ne dépende de ce qui les absorbe tant, même si ce n’est qu’un jeu, cela n’en est pas moins une occupation fatigante.



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