Tocqueville by Laurence Guellec

Tocqueville by Laurence Guellec

Auteur:Laurence Guellec
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782368475805
Éditeur: © 1996 Édition Michalon
Publié: 2017-11-30T16:00:00+00:00


La démocratie, mode d’emploi

Tocqueville a fait sienne la métaphore de la montée des eaux démocratiques, si courante à son époque. Si la démocratie est comparée à un fleuve, c’est parce qu’elle en a la force irrésistible et que, comme le fleuve, elle est sujette aux crues : autrement dit, et selon le mot de Royer-Collard, l’éminence grise des doctrinaires libéraux d’avant 1830 et leur censeur encombrant après les journées de Juillet, elle « coule à pleins bords »17 Il reste pourtant possible de l’endiguer pour éviter les débordements révolutionnaires qui menacent en Europe et pour orienter son cours, afin que la démocratie ne devienne pas un long fleuve trop tranquille. Le programme de Tocqueville, propose trois objectifs : tempérer la démocratie, moraliser la démocratie, « instruire » la démocratie.

Tempérer la démocratie, au-delà de la solution classique de l’équilibre des pouvoirs, que Tocqueville, en disciple de Montesquieu, ne manque pas de recommander, ce pourrait être alors introduire dans le tissu social des éléments qui lui sont hétérogènes ou qui ne sont pas « vraiment » démocratiques. De façon au premier abord surprenante, Tocqueville attribue ce rôle délicat aux « légistes », magistrats et praticiens du droit en général qui, dans le cas particulier des États-Unis, donnent aussi à la politique son personnel. Il existerait en effet une opposition de nature entre l’« esprit légiste », ou le légalisme des magistrats, et l’esprit démocratique. D’un côté, les passions désordonnées de l’homo democraticus, son penchant pour l’inédit et le nouveau, le relatif laisser-aller de ses manières et son rythme de vie accéléré ; de l’autre, le goût de l’ordre, le respect du passé et des traditions (ce qui est plus vrai encore des Anglo-Saxons, dont le droit est fondé sur la coutume), l’amour des « formes », c’est-à-dire en langage tocquevillien tout ce qui participe du respect des règles et des usages, enfin la patience que réclame la lenteur des procédures. Corps étranger à la démocratie dans ses mœurs et par ses habitudes, le « légiste » sera presque qualifié par Tocqueville d’élément aristocratique, cette part d’aristocratie ne tenant pas à la naissance ni à un titre quelconque, qui ont disparu de la démocratie, mais à une tendance conservatrice contractée dans l’exercice de ses fonctions, et inverse de l’énergie brouillonne qui agite la société démocratique.

Le légiste aime l’ordre, il aime donc aussi l’autorité : il avait été, au Moyen ge, celui qui avait forgé pour le souverain les instruments conceptuels de l’État moderne. Mais dans la France du XVIIIe siècle, dit encore Tocqueville (qui règle au passage ses comptes avec une profession qui n’a pas voulu de lui), l’accaparement du pouvoir par la monarchie avait laissé de côté la caste des hommes de loi : ils se firent révolutionnaires, pour entrer de nouveau en politique. D’ordinaire pourtant, c’est-à-dire dans une démocratie où les meilleures fonctions leur sont souvent réservées, comme aux États-Unis, les légistes auront un rôle essentiel de contrepoids :

« Je ne prétends donc point qu’il arrive une époque où tous18 les légistes […] doivent se montrer amis de l’ordre et ennemis des changements.



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