Pour la liberté by François Sureau

Pour la liberté by François Sureau

Auteur:François Sureau [Sureau, François]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Tallandier
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


1.

Lorsqu’on critique une disposition au nom du droit constitutionnel, l’argument historique est parfois trompeur. S’il permet toutes les facilités de la polémique, il peut aussi manquer sa cible. Que peut nous faire, dans le procès qui nous occupe, que nos prédécesseurs se soient trompés, soit qu’ils n’aient pas reconnu de valeur suréminente à la Déclaration des droits, soit qu’ils n’aient pas eu en leur temps la sagesse de se fier à une cour comme la vôtre pour en assurer le respect ? Avant même de faire quelques recherches, j’avais donc décidé de m’abstenir. Pourtant, ces recherches faites, j’ai changé d’avis, parce qu’il m’a semblé que vous ne pouviez ignorer la lignée assez sinistre dans laquelle ce texte prend place : l’article 102 du Code pénal napoléonien, punissant du bannissement ceux qui auront provoqué à la désobéissance ; la loi de sûreté générale du 29 octobre 1815, dont la chronique a retenu les applications délirantes faites par des préfets tremblant pour leur poste : ainsi celles de M. Barin, préfet de la Haute-Vienne, qui exilait dans tous les coins de France de paisibles citoyens sur les injonctions d’un comité royaliste tout droit sorti de Lucien Leuwen1 ; la célèbre circulaire du 20 novembre 1924 du gouverneur général de l’Afrique orientale française, visant à assigner à résidence les fauteurs de troubles libéralement désignés par l’administration2 ; la loi du 7 septembre 1941 sur la compétence du tribunal d’État, prévoyant que des mesures d’exception peuvent frapper tous ceux qui entendent « nuire au peuple français », et qu’importe, comme aujourd’hui, s’ils peuvent faire l’objet d’autres peines et d’autres poursuites3 ; la loi, enfin, du 5 juin 1943, dont la circulaire d’application prévoit que l’autorité préfectorale doit être prévenue des libérations des condamnés, indiquant : « MM. les préfets peuvent ainsi apprécier s’il convient de prendre à l’endroit de ces individus des arrêtés d’internement, à raison du danger que présente pour la sécurité publique la liberté qu’ils vont recouvrer. » Tous ces textes sont certes mieux écrits que celui qui vous est soumis, mais leur principe est le même. Les dangers auxquels ils exposent les citoyens sont comparables. La législation de Vichy, par exemple, conçue pour réprimer la Résistance, a été largement utilisée pour poursuivre les femmes coupables d’avortements. Il en va de même des dispositions actuelles. Alors que l’état d’urgence avait été déclaré afin de lutter contre le péril islamiste, on observe que vingt et une mesures d’assignation ont été prises « à l’encontre de militants anarcho-autonomes français durant la COP 21 », et plusieurs autres, par le préfet de la Corse du Sud, à l’encontre de personnes susceptibles de troubler l’ordre public dans le cadre d’un match de football. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil de l’administration.

Je voudrais, à ce point, dissiper une équivoque. Les dispositions en cause sont anciennes, mais pourtant c’est bien le législateur d’aujourd’hui que j’entends critiquer, et non celui de 1955. Le législateur qui nous est contemporain avait tout à fait la possibilité de corriger



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