La pierre de reve by C.J. Cherryh

La pierre de reve by C.J. Cherryh

Auteur:C.J. Cherryh [Cherryh,C.J.]
La langue: fra
Format: epub, mobi


LIVRE DEUX

LE SIDHE

9

Rencontres d’été

L’été était venu sur la forêt ancienne, les feuilles recouvraient les troncs convulsés des grands arbres et les branches squelettiques retrouvaient une vie aux couleurs grise et verte. Ils étaient tenaces, ces vieux arbres, comme rivés pour l’éternité à la colline, au-dessus du vallon. En ce lieu, la mémoire était ancienne, et il y avait de la colère. Les arbres se penchaient les uns vers les autres et murmuraient comme de vieux conspirateurs, tandis que passaient les pluies, que brillait le soleil mortel et que glissaient les ombres autour de leurs racines noueuses et dans les fourrés alentour. Nulle créature de la Forêt Nouvelle ne s’aventurait là sans crainte et nulle ne pouvait y séjourner durant la nuit, pas plus le lièvre furtif, qui grignotait les fleurs à l’orée de la forêt, que le daim qui s’arrêtait entre deux bonds et levait son museau aux noirs naseaux frémissants pour épier les chasseurs humains. Il n’existait pas de créature vivante sous le soleil mortel, si brave ou vigilante fût-elle, qui eût de l’amour pour Eald. Et le lièvre et le daim étaient vifs à repartir.

Il advenait, rarement, que la forêt se fasse moins lugubre, moins pétrifiée dans ses rêves. Elle semblait alors s’éveiller quelque peu à l’heure où l’éclat de la lune se faisait moins blanc, moins redoutable. Il en était ainsi au cœur de l’été, quand les daims se rassemblaient avec la nuit, quand, dans les branches, se posaient des oiseaux que jamais l’on ne voyait durant le jour. Pendant une heure, très brève, la Forêt d’Eald oubliait alors sa colère et se mettait à rêver d’elle-même.

Cette nuit-là, après tant d’autres nuits pareilles, Arafel vint. C’était un mouvement du cœur, un désir qui s’étendait jusqu’à l’existence, à l’apparence. S’échapper de son temps propre, de son soleil et de sa lune qui brillaient d’une lumière plus froide, plus verte, au delà même du souvenir de ce qu’avaient été les arbres et tous les bois, à un moment, ou autrefois. Avec elle, elle apportait une trace de l’ailleurs, une brillance, un éclat qui accompagnaient ses pas. Devant elle, dans la nuit magique, des fleurs ouvraient leur corolle qui serait demeurée close pour le regard des hommes.

Regardant autour d’elle, elle porta la main à la pierre de lune, sur sa gorge. C’était plus encore que si elle avait effleuré son cœur et elle frissonna un instant dans la froideur humide de ce monde qu’elle avait presque oublié. Les daims et les lièvres qui, tout comme elle, pouvaient vagabonder entre l’ici et l’ailleurs en suivant les méandres de l’ombre semblaient plus agiles et rapides en sa présence.

C’était par une nuit semblable que l’on avait dansé jadis, que l’on avait fait ripaille, mais les harpistes et les joueurs de flûte s’étaient tus, et ils avaient disparu par-delà la mer grise et froide. La pierre, au cou d’Arafel, n’était plus habitée que du souvenir de leurs chansons. Cette nuit entre toutes, elle était venue par curiosité, car elle avait retrouvé le chemin à suivre.



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