La phénoménologie by Jean-François Lyotard

La phénoménologie by Jean-François Lyotard

Auteur:Jean-François Lyotard [Lyotard, Jean-François]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Philosophie, Philosophie générale
ISBN: 978-2130547365
Éditeur: PUF
Publié: 2004-02-10T16:00:00+00:00


Chapitre III – PHÉNOMÉNOLOGIE ET SOCIOLOGIE

1. L’explication. – Avant d’aborder les problèmes spécifiquement sociologiques, nous pouvons tirer déjà des remarques précédentes une conclusion essentielle à la méthode dans les sciences humaines. La science expérimentale en général cherche à établir des relations constantes entre des phénomènes. Afin d’établir que la relation visée est constante, il est indispensable de multiplier les observations et les expérimentations où les termes à mettre en relation apparaissent ou peuvent apparaître. Ainsi se trouvent légitimés les procédés traditionnels décrits par Claude Bernard et Mill. Lorsque la corrélation entre les deux termes est attestée par une fréquence satisfaisante, on admet que les deux termes sont liés de façon constante ceteris paribus, c’est-à-dire si certaines conditions sont réunies ; la recherche s’étend donc à une constellation de facteurs au sein de laquelle la constante peut être vérifiée. L’épistémologie se trouve ainsi conduite à abandonner la catégorie de cause et l’idée correspondante d’enchaînement unilinéaire; elle les remplace par le concept plus souple d’ensemble de conditions ou de conditionnement et par l’idée d’un déterminisme en réseau. Mais cette évolution n’altère pas l’objectif de la science expérimentale : l’explication. La loi, ou relation constante entre un ensemble de conditions et un effet, n’est pas par elle-même explicative, puisqu’elle ne répond qu’à la question comment et non à la question pourquoi ; la théorie, élaborée sur l’infrastructure d’un ensemble de lois concernant le même secteur de la nature, vise à en dégager la raison commune. C’est seulement alors que l’esprit peut être satisfait, parce qu’il détient l’explication de tous les phénomènes subsumés dans la théorie par le truchement des lois. La démarche explicative passerait donc nécessairement par une induction : celle-ci, s’il faut en croire la méthodologie empiriste, consisterait à conclure de l’observation des faits à une relation constante de succession ou de simultanéité entre certains de ceux-ci. La constante relative à l’observation serait ensuite universalisée en constante absolue, jusqu’à ce que l’observation la démente éventuellement.

Appliquée aux sciences humaines, cette méthode de recherche des conditions ne présente à première vue aucune difficulté particulière. On peut même dire qu’elle offre des garanties d’objectivité. Ainsi Durkheim proposant de traiter les faits sociaux comme des choses essayait d’élaborer une méthode explicative en sociologie : il s’agissait explicitement, dans Les règles de la méthode sociologique, d’établir des relations constantes entre l’ « institution » étudiée et le « milieu social interne » lui-même défini en termes de physique (densité, volume). Durkheim se montrait ainsi fidèle au programme comtien de la « physique sociale », et il conduisait la sociologie vers l’usage prédominant de la statistique comparée. Il s’agissait en effet de mettre une institution donnée en relation avec divers secteurs du même milieu social ou avec divers milieux sociaux et de tirer par l’étude détaillée des corrélations ainsi établies, des constantes pour le conditionnement de cette institution. On pouvait, en universalisant jusqu’à nouvel ordre, écrire alors des lois de structure sociale. Sans doute ne peut-on réduire Durkheim à cette sociologie statique ; il a lui-même fait un



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