La maison sous la pluie by Georges-André QUINIOU

La maison sous la pluie by Georges-André QUINIOU

Auteur:Georges-André QUINIOU
Format: mobi
Éditeur: SUT
Publié: 2010-05-08T22:00:00+00:00


Terrien est arrivé déjeuner quelques instants après moi. Nous nous sommes retrouvés comme si de rien n’était. Il n’a pas fait la moindre allusion à ce qu’il m’avait confié à propos de Louise tout à l’heure ; j’ai jugé courtois et prudent de faire de même. C’est surtout lui qui a fait les frais de la conversation ; il connaissait le pays bigouden comme seul un érudit local peut le faire et ne tarissait pas de détails historiques ou légendaires sur chaque curiosité qu’il me faudrait à tout prix visiter. J’ai compris qu’il ne m’entretenait ainsi que pour éviter tout sujet qui pourrait concerner mon travail. Le moment n’était peut-être pas encore venu, à ses yeux. J’avais appris à me conformer à sa bizarre manie d’attribuer telle ou telle fonction aux différents moments de la journée.

Louise n’a fait que deux ou trois brèves apparitions autour de la table : pour apporter le ragoût de mouton, qui devait mijoter depuis le début de la matinée, puis une corbeille de fruits et enfin les cafés. Chaque fois elle a cherché à rencontrer mon regard et chaque fois je m’y suis dérobé, baissant les yeux sur mon assiette ou feignant d’être accaparé par ce que me racontait Terrien que je sentais aussitôt sur le qui-vive, lorsqu’elle entrait, à une infime hésitation de son débit. Je n’avais aucune idée, alors, de ce qui le poussait à nous observer ainsi, Louise et moi ; peut-être voulait-il simplement s’assurer que je tenais bien compte de sa recommandation et ne tentais plus d’établir la moindre complicité avec elle ; peut-être la présence de Louise l’agaçait-elle parce qu’il ignorait ce qu’elle avait pu me confier. Toujours est-il que j’évitais de fournir le plus petit prétexte que ce fût à sa défiance, par mesure de prudence aussi : maintenant qu’il m’avait informé de la prétendue mythomanie de Louise, je commençai à trouver suspecte l’insistance de ses regards. Je les évitais donc, tout en éprouvant une sorte de culpabilité vis-à-vis d’elle : comment la pauvre fille allait-elle interpréter ce revirement alors que je m’étais montré si cordial, voire un peu galant, tout à l’heure ? C’est dire combien pesant m’a paru ce repas, d’autant plus que Terrien, lancé dans des informations touristiques qu’aurait aussi bien pu me fournir le Syndicat d’Initiatives, différait encore une fois la conversation pour laquelle j’étais ici. Non seulement j’avais l’impression de perdre mon temps, mais je ne le perdais même pas agréablement.

J’ai vu approcher le moment de la promenade avec un sentiment de soulagement. Après une dernière ondée passagère le ciel s’était de nouveau éclairci. Il y a deux sortes de temps gris : les temps gris froid – je parle de la lumière, bien entendu, non de la température et puis les temps gris chaud, lorsque le ciel, uniformément couvert comme aujourd’hui, laisse transparaître cette nuance jaunâtre, tirant presque sur le roux ; c’est un ciel précurseur de l’orage, en été ; c’était pourtant celui que nous avions. On pourrait se croire enfin débarrassé de la pluie mais mieux vaut ne pas s’y fier.



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