La Lie de la terre by Arthur Koestler

La Lie de la terre by Arthur Koestler

Auteur:Arthur Koestler [Koestler, Arthur]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Publié: 2014-11-27T23:00:00+00:00


II

À mon départ du camp de concentration, on m'avait donné un bout de papier disant que le nommé A. K. avait été relâché du camp du Vernet pour les étrangers indésirables, sur l'ordre du ministère de l'Intérieur, et qu'il devait se présenter au commissariat du XVe arrondissement à son arrivée à Paris. Le nommé A. K. ne serait pas escorté.

Le lendemain de mon arrivée, j'allai au commissariat qui m'envoya à la Préfecture pour faire prolonger la validité de ma carte d'identité qui avait expiré pendant mon séjour au Vernet. La carte d'identité est le bien le plus précieux d'un étranger vivant en France. Sans elle, il est hors la loi.

Le jour suivant, j'allai à la Préfecture. Après avoir fait la queue pendant une heure au guichet, voici que j'appris : avant de faire prolonger ma carte, je devais obtenir un cachet de déconcentration, certifiant que le camp de concentration m'avait vraiment relâché. « Allez faire cacheter votre feuille au quatrième étage, bureau trente-quatre, et revenez. »

J'allai au quatrième étage, bureau trente-quatre et, au moment où j'entrai dans ce bureau, commença un chapitre de ma vie qui aurait pu être écrit par Wodehouse47 s'il n'avait pas été à la fois si angoissant, et si semblable à un cauchemar. C'est une histoire idiote, presque incroyable et parfaitement caractéristique de l'état de choses en France, trois mois avant son effondrement.

Le fonctionnaire qui me reçut au bureau numéro trente-quatre était un jeune homme assez gentil. Il examina à peine mes papiers et avait déjà en main son tampon magique, quand les mots : « nationalité hongroise » attirèrent son attention.

« Mais vous êtres ressortissant d'une nation neutre ? dit-il surpris. Qui a bien pu vous envoyer dans un camp ?

« Je viens du Vernet », dis-je.

Il faut se rappeler que j'étais le premier « suspect » relâché du Vernet sans condition.

« c'est différent, dit l'homme d'un ton tout à fait changé. Nous n'avons d'instructions que pour les internés ennemis relâchés de camps ordinaires. Je vais demander des instructions à mon chef. »

Il frappa à la porte de la chambre contiguë : le cabinet du chef. J'entendis un « Entrez ! » asthmatique et il disparut dans la pièce, laissant la porte entrebâillée. Je n'entendis point ce qu'il disait, mais une voix enrouée cria avec indignation : « Vous dites le Vernet ? Incroyable. Je vais m'en occuper ».

Ensuite, il téléphona. Je ne percevais que des fragments de conversation :

« Oui, mon pauvre ami, ils commencent à relâcher les gens du Vernet, c'est le comble !

« Ordre du ministre de l'Intérieur. Probablement par corruption.

« Parfaitement. Je vais le faire boucler aussitôt que possible.

« Parfaitement. Je le passe à l'« Éloignement ».

Le « bureau de l'éloignement des étrangers » s'occupe des déportations.

« Bon. Hélas ! mon cher, hélas ! Au revoir, cher ami. »

Le fonctionnaire revint haussant les épaules.

« Écoutez, lui dis-je, j'ai entendu ce que votre chef disait. Laissez-moi lui parler et m'expliquer avec lui.

« Impossible. »

J'essayai de le convaincre. Je lui montrai ma carte de journaliste et des lettres de plusieurs hommes influents.



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