La liberté ou la mort by Nikos Kazantzákis

La liberté ou la mort by Nikos Kazantzákis

Auteur:Nikos Kazantzákis [Kazantzákis, Nikos]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2021-12-14T00:00:00+00:00


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9. Dernier empereur de Byzance mort en 1453 en défendant Constantinople contre les Turcs.

10. Gâteau sec oriental.

VIII

De bon matin, le lendemain, dès l’ouverture de la porte de La Canée, la sombre nouvelle se répandit dans la ville : Nouri Bey a été trouvé mort dans son pavillon ! Dans les cafés turcs, on s’égosillait. Les uns disaient : ce sont les Grecs qui l’ont assassiné ! D’autres affirmaient qu’il s’était suicidé. Le muezzin apparut en haut de son minaret. Les mots s’embrouillaient sur ses lèvres, il écumait : « Massacre, giaours, Mahomet… », on ne distinguait rien d’autre. Les Chrétiens abandonnaient leur travail, se rencontraient deux par deux ou trois par trois, parlaient à mi-voix et rentraient chez eux avant le coucher du soleil.

L’atmosphère s’appesantit. Les visages devinrent farouches ; les soldats, leurs fusils en bandoulière, faisaient le tour des quartiers. Le pope lui-même se rendit aux funérailles de Nouri. Derrière lui, venaient l’imam et le muezzin, puis la troupe bruyante des agas armés. Souleïman, le Nègre, suivait aussi le convoi. Fatigué de l’entendre gémir, le pacha l’avait libéré de ses fers et emmené avec lui.

Les domestiques de Nouri portèrent le corps de leur maître du pavillon au cimetière. Le cheval, en émoi, marchait derrière eux, en poussant des hennissements. Il ouvrait de grands yeux et humait l’air, cherchant à comprendre.

Tous les Turcs de Candie se rassemblèrent autour du cercueil. D’une voix grêle et monotone, l’imam lut les prières et accompagna le défunt jusqu’au seuil de l’autre monde. Le muezzin s’approcha, déroula le turban blanc taché de sang qui entourait la tête du mort et l’enfouit dans sa poitrine. Ils se penchèrent un à un, firent leurs adieux au défunt, puis, on descendit le cercueil dans la tombe du bey, tout à côté de celle de son père. C’est alors que le pacha donna ordre d’amener le cheval. Il tenait le papier que le Nègre de Nouri Bey lui avait apporté.

« Agas, fit le pacha, j’ai en main le papier où le défunt a écrit et signé sa dernière volonté. Ouvrez bien vos oreilles ! »

Il leva la feuille de papier vers la lumière et lut : « Je veux qu’après ma mort, mon cheval soit égorgé sur ma tombe. »

À ces mots, les agas frissonnèrent. Ils regardèrent le cheval. La tête penchée au-dessus de la tombe, l’animal flairait la terre en gémissant et sa crinière bleue pendait jusqu’au sol. Il rappelait une pleureuse qui a délié ses cheveux pour dire le mirologue. Il frappait la tombe avec son sabot, hennissait tristement et appelait son maître disparu.

« C’est un crime ! firent toutes les voix.

— Que ce soit un crime ou non, répondit le pacha, c’est la volonté du mort. Dieu sait si ça me déchire le cœur à moi aussi, mais c’est la volonté du mort. Il veut l’emmener avec lui. À sa place, j’en aurais fait autant. Qui a le courage de tirer son couteau et de l’égorger ? »

Tous les assistants frémirent. Le cœur serré, ils regardaient fixement le corps parfait qui chatoyait au soleil, complètement nu.



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