La jeune fille qui venait d'ailleurs by Myrna Chahine

La jeune fille qui venait d'ailleurs by Myrna Chahine

Auteur:Myrna Chahine
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2019-08-09T00:00:00+00:00


Les amours de ma mère

(Liban, 1965)

À dix-huit ans, Manal était très amoureuse d’un homme de son âge, Georges. Ils faisaient des projets d’avenir comme tous les amoureux qui entrevoient des lendemains heureux. Puis Georges a décidé de présenter Manal à sa mère afin que celle-ci entreprenne les démarches pour concrétiser une demande en mariage en bonne et due forme. Le jour venu, Manal écoutait derrière la porte et a ainsi appris tout le mal que sa future belle-mère pensait d’une telle union. La marâtre n’a même pas permis à ma mère d’entrer chez elle et a refusé d’entendre parler de mariage. Les propos de la mère de son amoureux l’ont abattue.

Voyant qu’elle ne pourrait épouser l’élu de son cœur, Manal a rompu avec celui-ci pour aussitôt accepter une demande en mariage qu’un ami de son frère lui avait faite en même temps : il s’agissait de mon père, Younes. Ce dernier était amoureux fou de ma mère. Il voulait unir son destin avec elle – même s’il était de dix-sept ans son aîné.

Ma mère, submergée de chagrin d’amour, lasse de coudre pour payer les études de ses frères désormais boursiers à l’étranger, a choisi de se donner à cet homme par dépit. La candidature de Younes satisfaisait à toutes les exigences imposées par les conventions du mariage, malgré l’absence d’amour de ma mère. Plusieurs années plus tard, quand j’ai demandé à celle-ci pourquoi elle s’était mariée avec lui dans la précipitation, elle a expliqué :

— Je sais que tu aurais voulu que j’épouse ton père pour ses yeux bleus, mais je l’ai fait parce que, avec lui, je savais que je pourrais éduquer tous mes enfants. Je voulais vous donner les choix que je n’avais pas eus et que vous vous épanouissiez plus que moi dans la vie.

— Mais tu le connaissais à peine !

— Il venait à la maison. C’était un ami de mon frère. Nous avons discuté pendant trois heures avec ta tante Nada qui nous chaperonnait, et nous nous sommes bien accordés. Il m’a remis de l’argent pour acheter ma robe de mariée et, trois semaines plus tard, la cérémonie a eu lieu.

— Mais tu ne l’as jamais regretté ?

— Si. Aussitôt après, j’ai voulu faire marche arrière. J’ai demandé à mes parents de rentrer à la maison. Mais ils m’ont dit : « Tu es désormais mariée. Retourne chez ton mari. » Alors j’ai commencé une dépression.

En moi-même, j’ai longtemps reproché à ma mère son caractère mélancolique et ses épisodes dépressifs. Je l’ai souvent blâmée de m’avoir mise au monde, car j’ai hérité, me semble-t-il, de son tempérament.

Ma mère a ajouté, pensive :

— C’est ce que j’ai le plus aimé. Avoir mes enfants et les élever. Si la décision n’avait appartenu qu’à moi, j’en aurais eu d’autres.

— Hum…

— Tu es déçue ? Tu aurais voulu que j’épouse ton père par amour ?

— Non, mais que tu l’aimes un peu…

— Ton père et moi avons bien vécu. Nous sommes devenus de bons amis aujourd’hui, même si, au début, j’étais très malheureuse.

L’impulsivité de ma mère devait être commune au Liban.



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